Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 204

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

prétexte d'un dysfonctionnement interne à celle-ci dont, le plus souvent, ils
ignorent tout176. Aussi, aux articles 1844-16 du Code civil et L. 225-12 du Code de
commerce, il est énoncé que ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir
d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi. Ce mécanisme permet de bloquer la
logique des « nullités en cascade »177 en passant outre, une fois encore, le consentement de la société pour ne s'attacher qu'à la sécurité juridique des tiers. La
société peut ainsi se trouver tenue par des engagements pris sur la base d'une
décision pourtant nulle. Autrement dit, l'absence de volonté sociale, résultant de
l'anéantissement rétroactif de la décision sociale, n'empêche pas que le consentement de la société soit valable178.
Certes, la plus pure logique civiliste pourrait potentiellement mettre à mal la
logique du droit des sociétés et ouvrir la voie à une action en nullité des engagements consentis sur la base de décisions collégiales annulées. En effet, les
articles 1844-16 du Code civil et L. 235-12 du Code de commerce, s'ils empêchent
bien « d'opposer » aux tiers toute cause de nullité de la décision, ne font littéralement pas obstacle à la remise en cause d'un engagement sur le fondement d'un
vice ou, plus exactement, d'un défaut de consentement de la société179. L'action en
nullité serait alors exercée dans les conditions du droit commun, par la société
contractante -  mais non consentante  - et sur le fondement de l'article 1128 du
Code civil qui pose le consentement des parties comme première condition de
validité de l'acte juridique.
312.  Mais pareil raisonnement permettrait de contourner trop facilement le
principe posé aux articles 1844-16 du Code civil et L. 235-12 du Code de commerce puisque la moindre nullité d'une décision collégiale constituerait ipso facto
une cause de nullité de l'engagement contractuel. Sans surprise, la Cour de cassation le rejette dans un arrêt rendu le 21 octobre 1998. En l'espèce, il était question
du consentement d'une SCI à une vente décidée par l'assemblée des associés. Les
juges d'appel avaient annulé la décision de l'assemblée au motif que l'une des
associées n'avait pas été convoquée et, par voie de conséquence, avaient constaté
la nullité de la vente, le consentement de la SCI ayant été « irrégulièrement
donné ». La Cour de cassation, au visa de l'article 1844-16 du Code civil, censure
cette décision en jugeant que le défaut de convocation d'un associé ne constituait
pas un vice du consentement de la société opposable aux tiers de bonne foi180.
Aucune violation des règles d'élaboration de la volonté par les organes collégiaux n'est donc susceptible d'affecter l'existence du consentement exprimé par la
société.
176. E. GUÉGAN, Essai de réforme des nullités des décisions sociales, op. cit, n° 344.
177. J.  MOURY, Les nullités "en cascade" en droit des sociétés préc. ; P.  LE  CANNU, « La
canalisation des nullités subséquentes en droit des sociétés », in Mél. P. Bézard, Montchrestien, 2002,
p. 113 s.
178. Cass. com., 15 juill. 1992, n° 90-15589 et n° 90-16836, Bull.civ., IV, n° 281 ; Rev. sociétés
1992, p.  757, note P.  LE CANNU : l'annulation d'une émission d'obligations par le conseil
d'administration du SA ne peut être opposée aux souscripteurs dans la mesure où ces derniers « n'ont
pas eu connaissance des risques d'annulation encourus par eux en souscrivant les titres litigieux » ;
Cass. com., 28 juin 2005, n° 03-19714, RTD com. 2006.131 : la nullité encourue par une autorisation
irrégulière d'un cautionnement ne peut être opposée au créancier de bonne foi.
179. B. THULLIER, note ss. Com. 30 mai 2012, LPA, mars 2013, n° 45, p. 5.
180. Cass. 3e civ., 21 octobre 1998, n° 96-19646, Bull. civ., III, n° 204 ; RJDA 1998, p. 993, note
C. DAUM.

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