Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 251

L'intégrité du consentement et la théorie de la personnalité morale

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-évoquée du vice de violence191. De la même façon que la violence empêche, selon
nous, de reconnaître l'existence d'un consentement donné par la personne physique, elle empêche aussi de considérer que le dirigeant, décidant sous la contrainte
et menacé dans sa personne ou dans ses biens, agisse encore dans l'exercice de ses
fonctions sociales. Face à de telles situations, la subjectivité du dirigeant s'impose
au détriment de sa qualité d'organe. Le dirigeant se trouve placé hors d'état
d'exercer ses pouvoirs au nom de la personne morale. Pour autant, si l'on considère qu'un consentement de la personne morale a bel et bien été donné, il devient
aussi logique que nécessaire de procéder à une appréciation in concreto de la violence en la personne du dirigeant.
L'exemple du dirigeant séquestré l'illustre : ce dirigeant n'a aucune intention
d'agir au nom et pour le compte de la personne morale mais cherche uniquement
à se préserver des menaces exercées contre sa propre personne ou contre ses biens.
Envisageons l'hypothèse d'individus entrant dans la salle d'un conseil d'administration et séquestrant ses membres jusqu'à ce qu'ils approuvent, sous la menace,
une décision déterminée. Peut-on considérer alors que l'organe collégial exerce ses
fonctions sociales et ses pouvoirs au nom de la personne morale en adoptant cette
« résolution » ? Notons cependant que ces manifestations classiques de la violence
physique et morale s'avèrent fort rares dans nos sociétés contemporaines. Pour les
personnes morales, la violence subie est le plus souvent de nature économique et
c'est alors une appréciation in concreto dépsychologisée qui est appliquée.
B. L'APPRÉCIATION DE L'ABUS DE DÉPENDANCE SUBI
PAR UNE PERSONNE MORALE À TRAVERS
DES CRITÈRES OBJECTIFS
386.  L'abus de dépendance, qui a récemment fait son entrée à l'article 1143
du Code civil, est une déclinaison singulière de la violence. Quoique l'abus de
dépendance puisse en principe être invoqué par toute personne, physique ou
morale, le législateur a lui-même formalisé des critères d'appréciation éminemment objectifs, parfaitement adaptés à l'appréciation des vices du consentement
des personnes morales (1). Ces dernières seront, dans les faits, les principales
bénéficiaires de cette disposition nouvelle (2).
1.	 L'objectivité des critères de l'abus de dépendance adaptée à l'appréciation
des vices du consentement de la personne morale
387.  La violence n'a certes pas disparu de nos sociétés contemporaines mais
elle se fait plus rare et elle adopte souvent des formes moins frustres que la menace
directe ou l'intimidation physique. On peut déceler une forme de violence là où il y
a exploitation d'une vulnérabilité192. Ainsi la vulnérabilité économique de certains
contractants, qu'ils soient salariés, consommateurs, ou encore distributeurs, est-elle
prise en compte par le droit193. Mais les protections qu'il instaure en faveur des
contractants vulnérables sont toujours des protections spéciales et catégorielles194
191. V. supra, n° 385.
192. Cass. 3e civ., 13 janv. 1999, n° 96-18309, Bull. civ., III, n° 11 ; Gaz. Pal., oct. 2001, n° 303,
p. 34, note J. ROVINSKY.
193. V. not. : F. ROUVIÈRE (dir.), Le Droit à l'épreuve de la vulnérabilité. Études de droit français
et de droit comparé, Bruylant, 2011 ; I.  BEINEX, « L'unification prétorienne du vice de violence
économique en droit privé », LPA, août 2006, n° 170, p. 3.
194. G. LOISEAU, « La puissance du contractant en droit des contrats », AJCA 2015.496.

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