Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 252

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

qui n'ont, à ce jour, fait l'objet d'aucune théorie générale195, hormis la théorie des
vices du consentement que le doyen Ripert avait considérée comme un « remède
hasardeux »196 à la faiblesse des contractants. Depuis lors, les vices du consentement
ont su se renouveler pour mieux appréhender ces situations de faiblesse abusivement exploitées par autrui.
388.  Par un curieux paradoxe197, ce n'est pas le droit des contrats mais le
droit de la concurrence qui, le premier, est venu sanctionner l'exploitation abusive
d'un état de dépendance économique198. L'origine de la notion est à rechercher,
d'abord Outre-Rhin199, puis dans un avis de la Commission de la concurrence du
14 mars 1985200. Face aux agissements de certains grands distributeurs pratiquant
le chantage au déréférencement, il apparaissait nécessaire de contrôler « les comportements d'entreprises ou groupes d'entreprises qui, sans détenir une position
dominante, sont, en raison de leur poids sur le marché, des partenaires obligés »201.
L'ordonnance du 1er décembre 1986 est ensuite venue consacrer, pour le sanctionner, l'abus de dépendance économique. Codifiée à l'article L. 420-2 du Code de
commerce, cette disposition, plusieurs fois remaniée, a finalement déçu les espoirs
des distributeurs se trouvant en position de faiblesse par rapport de puissants
partenaires contractuels. Les conditions d'applications drastiques posées par
l'autorité de la concurrence202 ont en effet abouti à l'échec de la quasi-totalité des
actions portées sur ce fondement203.
389.  Après avoir marqué des réticences204, la Cour de cassation a semblé
s'ouvrir à l'idée de sanctionner l'abus de dépendance économique. Dans un
premier temps, elle a affirmé que « la contrainte économique se rattache à la
195. V. pour une proposition de systématisation d'un droit des contractants vulnérables : S. LE
GAC-PECH, « Bâtir un droit des contractants vulnérables », RTD civ. 2014.581.
196. G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, op. cit., n° 55.
197. Sur ce paradoxe, v. M. BOIZARD, « La réception de la notion de violence économique en
droit », LPA, juin 2004, n° 120, p. 5 : « L'opposition entre le droit civil et le droit de la concurrence peut
ne pas surprendre car les fonctions de ces deux droits sont différentes. Un paradoxe vient cependant du
fait que face à une situation de violence économique, le droit de la concurrence apparaît aujourd'hui plus
protecteur que le droit civil alors que le premier est un droit des opérateurs économiques donc en principe
un droit des forts et que c'est traditionnellement au second que sont prêtées des vertus protectrices ».
198. En tout cas pas au niveau de la Cour de cassation. Les juridictions du fond ont retenu assez
tôt cette forme singulière de violence économique. Pour exemple, v.  CA Aix-en-Provence, 19  févr.
1988, RTD  civ.  1989, obs.  J.  MESTRE. En l'occurrence, un contrat est annulé au motif que
l'acceptation des conditions du fournisseur « procède de toute évidence d'un état de nécessité et de
dépendance économique équipollent à une violence morale constitutive d'un vice du consentement ».
199. H. KOHLER, « L'abus de puissance d'achat en R.F.A », RIDC. 1988.549.
200. Comm. conc., avis 14 déc. 1984, BOSP 19 avr. 1985.
201. Ibid.
202. L'Autorité de la concurrence considère que la dépendance économique doit être appréciée
en fonction de quatre critères : (i) la notoriété de la marque ; (ii) la part de marché du fournisseur ; (iii)
la part représentée par les produits du fournisseur dans le chiffre d'affaires du distributeur (iv)
l'absence de solution équivalente. Notons que l'absence de solution équivalente est une condition qui
a été supprimée par les textes à l'occasion de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 mais que la jurisprudence
a cependant continué d'appliquer. V. not. : Cass. com., 3 mars 2004, n° 02-14529 ; Bull. civ., IV, n° 44,
p. 53 ; D. 2004.874, obs. E. CHEVRIER ; ibid. 1661, note Y. PICOD ; RDC 2005, n° 2, p. 275, note
Ph. STOFFEL-MUNCK.
203. E. CLAUDEL, « Le consentement en droit de la concurrence, consécration ou sacrifice ? »,
RTD com. 1991.291.
204. Com. 20 mai 1980, n° 78-10833, Bull. civ., IV, n° 212 ; Cass. com., 21 févr. 2995, n° 93-13302,
Bull.  civ., IV, n°  50 ; JCP  E, 1996, I, 523, n°  2, obs.  M.  MOUSSERON ; RTD  civ.  1996.391,
obs. J. MESTRE.

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