Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 256

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

entre les deux sociétés, la SCI avait renoncé à exercer les recours contentieux en
annulation de trois permis de construire délivrés à la société Bouygues Immobilier, en contrepartie de quoi celle-ci s'était engagée à lui verser « une indemnité
transactionnelle, globale, forfaitaire et définitive de 500 000 euros ». La Cour de
cassation approuve le raisonnement de la cour d'appel selon lequel la société Bouygues Immobilier avait été victime d'un abus de dépendance économique au motif
que « quelle que soit son envergure économique », la menace illégitime de la
société civile à son encontre avait fait naître « la crainte de voir mettre en échec
une vaste et coûteuse opération immobilière, comportant la création d'une nouvelle structure hospitalière, d'une école d'infirmières et de logements collectifs à
Marseille ». Cela atteste bien que l'« envergure économique », pour reprendre les
termes exacts de l'arrêt, n'est pas un critère pertinent pour déterminer l'abus de
dépendance dont une société se prétend victime.
398.  Réciproquement, le vice d'abus de dépendance ne saurait être déduit de
la seule puissance économique d'un contractant par rapport à une autre partie :
« Il faut que la situation de faiblesse, de dépendance... ait été exploitée, voire abusivement exploitée. Or, cette condition disparaît, ou elle devient purement formelle, dans une théorie qui considère qu'un déséquilibre flagrant de puissance
économique est présumé (irréfragablement) être la source d'un déséquilibre
contractuel manifeste (les deux suffisants alors à l'annulation), ou qu'il y a exploitation à simplement laisser s'exercer les contraintes pesant sur le contractant »228.
C'est un faisceau d'indices qui doit faire preuve. Parmi ces indices, le juge peut
tenir compte du comportement de celui qui invoque l'abus et recourir au critère
de la solution alternative consistant à vérifier que le contractant invoquant l'abus
de dépendance, notamment lorsqu'il est tenu par un engagement d'exclusivité à
l'égard de son cocontractant, avait la possibilité de trouver sur le marché des partenaires contractuels comparables229.
b)	 L'application de l'article 1143 du Code civil au sein des réseaux
de distribution et dans les groupes de sociétés
399.  Puisque la notion d'abus de dépendance économique est d'abord née
d'un besoin d'encadrement des situations de domination exercées par les grosses
centrales d'achat sur les distributeurs230, la règle posée par l'article 1143 du Code
civil trouve son origine comme sa raison d'être dans les réseaux de distribution.
C'est ainsi, tout naturellement, que les relations contractuelles nouées au sein des
réseaux de distribution « pourraient bien constituer un lieu de prédilection pour
la sanction de l'abus de dépendance »231. De la sorte, l'abus de dépendance économique prendrait place aux côtés des règles spéciales du droit de la distribution
sanctionnant ponctuellement les abus232.
228. E. SAVAUX, note préc.
229. C. OUERDANE-AUBERT DE VINCELLES, Altération du consentement et efficacité des
sanctions contractuelles, op. cit., n° 459. Pour une application de ce critère de la solution alternative,
v. Cass. 1re civ., 18 févr. 2015, n° 13-28278, Bull. civ., I, n° 44 ; RDC 2015, n° 3, p. 445, note E. SAVAUX ;
RTD  civ.  2015.370, obs.  H.  BARBIER ; RLDC, mai 2015, n°  126, p.  14, note C. LE GALLOU ;
AJCA 2015.221, note L. PERDRIX.
230. G. DECOCQ et A. DECOCQ, Droit de la concurrence, 7e éd., LGDJ, 2016, n° 112.
231. H. LÉCUYER, « Déséquilibre significatif, violence économique : vers un nouvel équilibre
du contrat ? », Le Blog des Juristes, 23 févr. 2016.
232. N.  FERRIER, « Violence économique et droit de la distribution », in La violence
économique, op. cit., p. 51.

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