Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 262

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

d'activité, l'autonomie des sociétés ne manque pas d'être questionnée voire critiquée. Ainsi le motif économique d'un licenciement se voit-il régulièrement
contesté lorsqu'il apparaît que le groupe auquel appartient la société employeur
s'avère prospère. Des critiques du même ordre visent la possibilité qu'utilisent
certains groupes d'éviter le paiement de l'impôt en France au moyen d'un ingénieux report des pertes de filiales déficitaires sur des filiales bénéficiaires10 ou bien
encore par le choix stratégique d'établir leurs sièges sociaux dans des États plus
cléments sur le plan fiscal. La question de l'irresponsabilité de la société mère
quant aux agissements de ses filiales, notamment étrangères, se retrouve également posée chaque fois que des dommages humains et environnementaux11 sont
causés par la filiale d'un groupe français12.
406.  Le principe de l'autonomie de la personne morale commande de retenir
que les associés d'une société ne sont pas liés par les actes consentis par cette
société13. À chacun son consentement, à chacun ses engagements. Pour autant, on
pressent que la discordance entre l'autonomie juridique des sociétés et leur interdépendance économique ne saurait demeurer sans conséquence sur l'individualité
du consentement de chacune. Certes, l'analyse de ce type de consentement
achoppe d'emblée sur plusieurs difficultés. En premier lieu, l'identification du
groupe s'avère complexe tant les techniques et modes de rapprochement des sociétés sont divers (rapprochements contractuels, financiers, location-gérance...). En
second lieu, le droit français, à l'inverse d'autres systèmes juridiques étrangers14,
ne connaît ni de réglementation d'ensemble des groupes de sociétés15, ni règle
10. « Quand les entreprises du CAC 40 échappent à l'impôt », Le Figaro, 19 déc. 2010.
11. L'opinion et les pouvoirs publics ont été marqués par l'affaire Metaleurop, du nom de cette
société mère qui n'a pas eu à contribuer aux dommages environnementaux causés par sa filiale tombée
en liquidation judiciaire alors même qu'elle la détenait à plus de 99 % : Cass.  com., 19  avr. 2005,
n° 05-10094, Bull. civ., IV, n° 92 ; BJS, juin 2005, p. 690, note C. SAINT-ALARY-HOUIN ; JCP G,
2005, 1241, note B. BOURU et M. MENJUCQ ; RTD  com.  2005.544, obs.  C.  CHAMPAUD et
D. DANET.
12. F.-G. TRÉBULLE, « Vous avez dit « durable » ? » : BJS, avr. 2008, p. 272 ; B. ROLLAND,
« Responsabilité environnementale : qui va payer ? », BJS, avr. 2008, p.  356. Cette irresponsabilité
s'est récemment vue réduite sous l'effet de la loi, la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017, adoptée après de
longs débats, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.
Sur cette loi Vigilance, v.  C. MALECKI, « Le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises
donneuses d'ordre : était-ce bien raisonnable ? », BJS, mai 2017, p.  298, note C. MALECKI ;
Ch. HANNOUN, « Le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre après
la loi du 27 mars 2017 », Dr. soc. 2017.806 ; J. HEINICH, « Devoir de vigilance des sociétés mères et
des entreprises donneuses d'ordre : une loi finalement adoptée, mais amputée », Dr. sociétés, mai
2017, comm. 78 ; A. DANIS-FATÔME et G. VINEY, « La responsabilité civile dans la loi relative au
devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre », D. 2017.1610.
13. Cass. 3e civ., 8 nov. 2000, n° 95-18331, Bull. civ., III, n° 169, JCP G, 2001, II, 10450, note
Y. CHARTIER ; BJS, févr. 2001, p. 190, note F.-X. LUCAS.
14. En cela, notre droit se distingue du système allemand qui a intégré le groupe de sociétés à
travers le contrat de domination (art. 295 AktG) dont le principal effet est de reconnaître à la société
mère le pouvoir de donner des instructions à sa filiale et cela, même si ces instructions sont
désavantageuses pour la société dominée. On distingue ainsi en Allemagne les groupes de droit et les
groupes de fait.  Mais la pratique s'est détournée de ce contrat et le législateur français ne s'en est
jamais inspiré. V. sur le sujet, K. J. HOPT, « Le droit des groupes de sociétés : expériences allemandes,
perspectives européennes », Rev. sociétés 1987, p. 371 ; I. URBAIN-PARLEANI, « Regards croisés
français et allemandes sur le droit applicable aux groupes de sociétés », in. Actualités et évolutions
comparées du droit allemand et français des sociétés, Dalloz, 2010, p. 91.
15. J. FOYER, « Faut-il un droit des groupes de sociétés », RJ com. 1996, p. 1985 ; J. PAILLUSSEAU,
« Faut-il en France un droit des groupes de sociétés ? », JCP E, 1971, II, 10173 ; B. OPPETIT et A. SAYAG,
« Méthodologie d'un droit des groupes de sociétés », Rev. sociétés 1973, p. 577.

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