Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 270

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

son intervention dans le cadre de l'obtention de l'exploitation d'un centre d'enfouissement technique, assignait en paiement la société Sita sud.
La cour d'appel avait condamné la société Sita sud à payer, jugeant que l'engagement résultait d'une lettre du 21  novembre 1994, envoyée par la société
Geteba (société mère de Sita sud) à la société Ourry, et que ce courrier constituait
la confirmation écrite d'un accord verbal passé entre ces deux sociétés, lesquelles
entretenaient de longue date des rapports d'affaires. La lettre précisait que la
rémunération de la société Ourry serait versée par la société Sual, aux droits de
laquelle vient la société Sita sud.
La Cour de cassation censure ce raisonnement, au double visa des articles 1165
(ancien) du Code civil et L.  225-56 du Code de commerce et en ces termes :
« Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé,
si la société Geteba avait le pouvoir de représenter et d'engager sa filiale, la société
Sual, aux droits de laquelle vient la sociét Sita sud, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ». La cour d'appel avait, par ailleurs, justifié la condamnation en
paiement de la société Sita sud par le fait que la lettre du 21 novembre 1994, envoyée
par la société Geteba à la société Ourry, était confirmée par une lettre du 6 mars
1997 adressée par la société Sita sud, anciennement dénommée Sual, à la société
Ourry. Cette fois encore, la censure intervient mais, ici, au visa de l'article  1134
(ancien) du Code civil : « Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la lettre du 6 mars
1997 comporte l'entête de la société Sita, laquelle est, ainsi que l'a précisé la société
Ourry dans ses conclusions, la société mère de la société Sita sud, la cour d'appel en
a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le texte susvisé ».
La solution est d'une grande clarté. Elle rappelle utilement que l'autonomie des
personnes morales impose le respect du consentement individuel de la filiale. La
rigueur de la Cour de cassation peut néanmoins surprendre car, en l'espèce, le second
courrier émanait bien de la filiale. À lire les motifs relevés par la cour d'appel et repris
par la Cour de cassation, seul l'en-tête de ce courrier semblait être celui de la société
mère. Or, comme l'ont souligné des commentateurs, « une lettre pourrait fort bien
comporter l'en-tête de la société mère et émaner tout de même de la filiale »55.
2.	 La société mère en principe non engagée par le consentement de sa filiale.
419.  Un autre aspect de l'individualité du consentement des sociétés appartenant à un groupe tient à ce que chacune d'elles n'est engagée que par son propre
consentement. C'est en vain que les cocontractants invoqueraient une solidarité
des sociétés du groupe. Le créancier désireux d'atteindre le patrimoine de la
société mère se verra systématiquement bloqué par le juge56. Ce sera peine perdue
aussi que d'invoquer la dépendance (partielle ou totale) de la filiale pour tenter de
démontrer que la société mère est, de fait, leur véritable cocontractant.  Car la
dépendance économique de la filiale ne permet « pas de nier l'existence juridique
de cette dernière »57, selon les mots de la Cour de cassation.
55. P. LE CANNU et B. DONDERO, obs. préc.
56. Cass.  com., 24  mai 1982, n°  81-11268, Bull.  civ., IV, n°  195 : une société recherchait la
responsabilité contractuelle de la société mère pour rupture fautive d'un contrat d'exclusivité qui la
liait à sa filiale. La demande avait été admise par les juges du fond mais la décision est censurée par la
Cour de cassation qui rappelle que la société mère et sa filiale constituent deux sociétés distinctes « en
dépit de leur appartenance à un même groupe ».
57. Cass. com., 28 janv. 1997, n° 95-10663.

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