Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 322

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

Ainsi, l'intérêt social s'impose légalement comme un paramètre décisif de la prise
de décision des dirigeants et, plus largement, des organes de gestion. Dès lors, cet
intérêt social, légalement consacré, se trouve sans ambiguïté appréhendé comme
l'intérêt propre de la société : expressément mentionnés séparément, les enjeux
sociaux et environnementaux de l'activité de la société ne doivent qu'être pris « en
considération » dans la gestion de la société42. Il ne serait donc pas exact de dire
que la loi PACTE procède, stricto sensu, à un « élargissement de l'intérêt social »43 ;
tout au plus, opère-t-elle un « rééquilibrage des intérêts »44.
Si, en pratique, cette loi « conduira inévitablement à intégrer davantage les
politiques de RSE dans la gouvernance des entreprises »45, sa portée apparaît très
limitée d'un point de vue strictement juridique. Elle pourrait néanmoins produire
certains effets sur la prise de décision des sociétés. Ainsi, comme le souligne un
auteur, dans sa nouvelle rédaction, l'article 1833 du Code civil « conduira à devoir
procéduraliser et formaliser la prise de décision puisqu'il conviendra d'établir que
ces enjeux ont bien été pris en considération pour décider des actions relatives à
l'activité de la société poursuivant son intérêt »46.
503.  La loi PACTE a par ailleurs modifié l'article 1835 du Code civil pour
ajouter que « les statuts peuvent préciser la raison d'être dont la société entend
se doter dans la réalisation de son activité ». Cette notion de « raison d'être »
demeure difficile à saisir47 et il s'avère tout aussi difficile de déterminer dans
quelle mesure cette « raison d'être » pourrait devenir un paramètre pleinement
intégré à la prise de décision des dirigeants48... Certes, l'article L. 225-35 du
Code de -commerce dispose désormais que le conseil d'administration de la
société anonyme « prend également en considération la raison d'être de la
société, lorsque celle-ci est définie dans les statuts en application de l'article 1835
42. Les enjeux sociaux et environnementaux ne peuvent donc être perçus comme une composante
de l'intérêt social, puisqu'il n'y aurait alors pas lieu de distinguer la gestion « dans » l'intérêt social et
la seule « prise en compte » des enjeux sociaux et environnementaux. Contra, v.  M. TIREL, « La
réforme de l'intérêt social et la "ponctuation signifiante" », D.  2019.2317. Procédant à une lecture
littérale du texte, l'auteur remarque que le projet de loi déposé à l'Assemblée Nationale marquait
clairement une séparation entre la gestion de la société dans l'intérêt social et la prise en compte des
enjeux sociaux et environnementaux de l'activité par l'emploi de la conjonction de coordination « et ».
C'est un amendement parlementaire dit de « ponctuation significative » qui a ensuite remplacé ce
« et » par une virgule. Ainsi, selon Mme Morgane Tirel, « du fait de cet amendement, il est donc devenu
impossible d'affirmer que les enjeux sociaux et environnementaux ne sont pas une composante de
l'intérêt social ». Dans le même sens, v.  P.-H. CONAC, « L'article  1833 et l'intégration de l'intérêt
social et de la responsabilité sociale d'entreprise », Rev. sociétés, 2019, p. 570.
43. Contra, v.  P.-H. CONAC, « L'article  1833 et l'intégration de l'intérêt social et de la
responsabilité sociale d'entreprise », préc. : « La portée de la réforme est large tant d'un point de vue
substantiel, puisqu'elle consiste à élargir l'intérêt social ».
44. R. MORTIER, B. ZABALA et S. VENDEUIL, « La réforme du droit des sociétés par la loi
Pacte - Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 », Dr. sociétés, juin 2019, étude 8.
45. Rapport du Haut Comité de Gouvernement d'Entreprise, 2019, p.  5 (Préambule de
Mme Patricia Barbizet).
46. D. PORACCHIA, « De l'intérêt social à la raison d'être des sociétés », BJS, juin 2019, p. 40.
47. Selon le rapporteur de la mission « Entreprise et intérêt général » présidée par Mme Nicole
Notat et M.  Jean-Dominique Senard, la raison d'être de l'entreprise se définit comme « ce qui est
indispensable pour remplir l'objet social » ; Adde, J.-B. BARFETY, « Chaque entreprise a une raison
d'être », D. 2018.268.
48. Dans sa rédaction résultant de la loi PACTE, l'article L. 225-35 du Code de commerce
précise que le conseil d'administration « prend également en considération la raison d'être de la
société, lorsque celle-ci est définie dans les statuts en application de l'article 1835 du Code civil ».

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