Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 362

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LE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE MORALE

singuli) contre ses dirigeants sur le fondement de la faute de gestion dès lors que
l'existence d'un préjudice est démontrée. Celui-ci, assez simple à définir - préjudice de réputation, préjudice d'image - s'avère en revanche plus difficile à prouver.
Mais dès lors que le dommage est caractérisé, le lien de causalité peut être largement présumé de l'existence de ce dommage.
568. Il reste à examiner la possibilité que la société soit jugée personnellement responsable des explications erronées ou insuffisantes fournies par ses
-dirigeants. En matière de communication financière, l'émetteur qui diffuse des
informations inexactes ou trompeuses est responsable à l'égard des tiers qui
auraient pris des décisions préjudiciables en se fondant sur celles-ci78. Cette responsabilité n'est toutefois pas aisée à engager eu égard aux conditions posées par
le droit de la responsabilité civile et à l'absence de class action en matière boursière79. Pars ailleurs, quand bien même une action aboutirait à la condamnation
de la société, elle se révélerait décevante dans son produit puisque la Cour de
cassation cantonne le préjudice de l'investisseur à une simple perte de chance
d'investir ses fonds dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé80.
Mais par principe et nonobstant ces obstacles, rien ne s'oppose à ce que la
responsabilité civile de la société soit engagée dès lors que des explications erronées ou trompeuses en matière de gouvernance ont motivé une décision d'investissement préjudiciable. C'est aussi l'opinion qui prévaut en Allemagne, où l'on
considère que la société qui a publié des informations erronées à propos de sa
gouvernance peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la confiance
créée (Vertrauenshaftung)81. Il pourrait en être de même pour ce qui concerne les
engagements pris par les sociétés en matière de RSE82 : les juges pourraient donner effet obligatoire « aux informations transmises et aux intentions exprimées »83
au moyen, par exemple, d'une réactivation de la notion d'obligation naturelle84.
La recevabilité de telles actions en responsabilité conduirait ainsi le juge à
apprécier la qualité des explications fournies, leur exactitude et leur pertinence.
Évoquant une « dérive »85, M. Alain Couret exprimait des réserves vis-à-vis de
cette tentation de judiciarisation du comply or explain en développant l'idée que
le juge n'a pas vocation à sanctionner le non-respect de règles d'origines privées
78. Cass. com., 22 nov. 2005, n° 03-20600, RTD com. 2006.445, obs. M. STORCK.
79. Ch. ARSOUZE et P. LEDOUX, « L'indemnisation des victimes d'infractions boursières »,
BJB, juill. 2006, n° 7, p. 399.
80. Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-21547, Bull. civ., IV, n° 48 ; Rev. sociétés 2010, p. 230, note
H. LE NABASQUE ; BJS, juin 2010, p. 537, note D.
SCHMIDT
; RTD civ. 2010.575,
obs. P. JOURDAIN ; RTD com. 2010.374, obs. P. LE CANNU et B. DONDERO. Adde, L. VITALE,
La perte de chances en droit privé, thèse dactyl. Paris I, 2018, n° 284 et s.
81. J.-B. POULLE, « Les codes de gouvernement d'entreprise au sein de l'Union Européenne », préc.
82. Pour l'heure, les engagements relatifs à la RSE ne semblent pas devoir obliger les entreprises
à l'égard des tiers. Dans l'affaire dite du Tramway de Jérusalem, la Cour d'appel de Versailles a jugé
que les codes éthiques auxquels adhèrent volontairement les entreprises « expriment des valeurs que
les sociétés souhaitent voir appliquer par leur personnel » [...] « Cadres de référence, ils ne contiennent
que des recommandations et des règles de conduite sans créer d'obligations ni d'engagements au
bénéfice de tiers pouvant en solliciter le respect » (CA Versailles, 22 mars 2013, n° 11/05331).
83. M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, t. 1, Contrat et engagement unilatéral, op. cit.,
n° 306. L'auteur poursuit : « Il s'agit là encore de prendre au mot les belles promesses qui ont pu
susciter des attentes légitimes. Dès lors que l'auteur de telles déclarations sur ses bonnes intentions en
matière sociale ou environnementale a fait croie à leur respect, il pourrait être obligé ».
84. Ibid.
85. A. COURET, « Comply or explain : Les destinées françaises du principe », préc.

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