Contextes - La norme culturelle dans l'ordre juridique - 119

	

Valérie parisot	111

permettrait pas de désigner la loi applicable à une situation donnée, dans
la mesure où plusieurs lois - attachées par hypothèse à la personne - sont
en vigueur en un même lieu225. Quant à la nationalité (b), critère de rattachement répandu dans l'ordre international en matière de statut personnel,
elle serait inopérante pour résoudre tant les conflits interlocaux que les
conflits interpersonnels, car elle est, par définition, unique pour l'ensemble
des ressortissants des unités territoriales et des communautés humaines
ou religieuses qui composent l'État. La transposition, en droit des conflits
internes, des règles de conflit international recourant à l'un ou l'autre de
ces critères est-elle pour autant impossible ?

a.	Le rattachement à un lieu
En ce qui concerne, en premier lieu, le critère de rattachement spatial,
il convient d'emblée d'observer que ce type de critère n'est pas nécessairement exclu de la résolution des conflits interpersonnels de lois : le critère
peut être appliqué tel quel ; il peut être adapté ou il peut être complété.
Le critère spatial peut, tout d'abord, être appliqué tel quel pour
régler le conflit de normes culturelles toutes les fois que cette norme a
une assise territoriale. Le règlement des successions arabo‑kabyles226 à
l'époque coloniale en est une illustration. Devant la divergence de vues
affectant les droits musulman et kabyle227, le juge français a eu recours à
la règle de conflit international, qui soumet la succession immobilière à la
loi du lieu de situation de l'immeuble et la succession mobilière à loi du
dernier domicile du de cujus228 : il a appliqué le droit musulman à la dévolution d'un terrain situé en pays arabe et compris dans la succession d'un
225. H. Batiffol et P. Lagarde, Traité de droit international privé, t. 1, 8 e éd., LGDJ,
1993, p. 440 : « Les solutions [des conflits interpersonnels] deviennent (...) très différentes
du fait qu'il n'est plus possible de recourir aux rattachements localisés dans l'espace : ni le
domicile, ni la situation d'un bien, ni le lieu où un acte est intervenu n'ont de signification
puisqu'au même lieu sont simultanément en vigueur les différentes lois entre lesquelles il
s'agit de choisir. »
226. Le conflit oppose le droit musulman et la coutume kabyle ainsi que les diverses
coutumes kabyles entre elles.
227. M. Morand, Études de droit musulman et de droit coutumier berbère, J. Carbonel,
1931, p. 136‑137, et p. 140‑141. En matière successorale, droit musulman et droit kabyle
retiennent une règle de conflit différente. En droit musulman, la succession ab intestat est
régie par la loi du de cujus, à moins que tous ceux qui se prétendent appelés à la succession
s'accordent sur l'application d'une autre loi. À l'inverse, dans nombre de villages kabyles,
il semblerait que la dévolution successorale soit réglée par la loi de la situation des biens.
228. Le système, issu respectivement de Cass. civ., 14 mars 1837, Stewart, et de Cass. civ.,
19 juin 1939, Labedan (Grands arrêts, préc. note 92, respectivement n° 3 et n° 18), ne vaut
plus, aujourd'hui, que pour les successions des personnes décédées avant le 17 août 2015.
Depuis cette date, c'est l'approche unitaire du règlement européen n° 650/2012 du
4 juill. 2012 qui prévaut, autour de la résidence habituelle du défunt.
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