Contextes - La norme culturelle dans l'ordre juridique - 202

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Le régime juridique de la norme culturelle

publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle,
ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou
apprivoisé, ou tenu en captivité ». Mais l'alinéa 5 du même texte prévoit que
« les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de
taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».
La même exception vaut pour « les combats de coqs dans les localités où
une tradition ininterrompue peut être établie ». La norme culturelle, qui
prend ici la forme d'une tradition, fait l'objet d'une exception à la règle
de principe selon laquelle il est interdit d'exercer des sévices graves sur les
animaux. L'exception est soumise à une condition temporelle qui tient au
fait que la tradition soit ininterrompue mais elle s'exprime dans un champ
spatial : la « localité » où cette tradition existe. Il a déjà été montré que
la localité n'avait pas à voir avec les délimitations administratives de nos
territoires, et qu'elle s'entendait plutôt d'une sphère d'influence, ou même
d'un « ensemble démographique ». L'objet, ici, n'est pas de revenir sur les
difficultés que présente la délimitation de ces localités29, et sur l'importance
que cette délimitation revêt pourtant en matière pénale où est en cause
la répression - ou non - d'une infraction30. Il ne s'agit pas non plus de
discuter la question de la preuve de cette tradition ni la manière dont elle
se matérialise. Il s'agit seulement de souligner que les deux règles, la règle
de principe et la règle d'exception, s'articulent par délimitation de leurs
champs d'application respectifs. La règle répressive vaut sur l'ensemble du
territoire de la République, où ne s'exerce pas de tradition locale ininterrompue, et la règle non répressive s'applique sur les seuls territoires où la
tradition peut être « invoquée » pour les courses de taureaux ou « établie »
pour les combats de coqs31.
29. P. Deumier, Le droit spontané, Economica, 2001, p. 106 et s.
30. N. Molfessis, La tradition locale et la force de la règle de droit : note sous Cass., 2e civ.,
22 nov. 2001, RTD civ. 2002, p. 181.
31. On relèvera, à ce titre, deux décisions intéressantes de la cour d'appel de Papeete
qui a eu à connaître de la pratique des noyades de chiens en vue de leur consommation
(CA Papeete, 19 févr. 1998, n° 56-35 ; 18 nov. 1999, n° 394-227). Cette pratique est en effet
considérée en Polynésie comme une manière adéquate d'abattre les chiens lorsqu'ils sont
destinés à être consommés. Alors que les auteurs de tels actes étaient poursuivis en justice
sur la base de l'article 521-1 du Code pénal, la juridiction de second degré a relevé, dans
une première affaire, « qu'il est incontestable que, suivant une tradition ancestrale de la
Polynésie (...), et dans la société mā'ohi ancienne, le chien constituait l'apport carné essentiel
et que la consommation de viande canine n'a pas cessé (...). L'abattage par noyade permet
d'éviter que le chien ne soit saigné et aucune des déclarations recueillies ne permet d'établir
que les chiens subissent au cours de leur noyade une souffrance intense ou, à tout le moins,
supérieure à celle strictement exigée par leur sacrifice en vue de leur consommation. Il
n'est donc pas établi que le prévenu ait commis des sévices graves ou des actes de cruauté
sur les chiens abattus. M. X sera donc relaxé ». Dans la seconde affaire, il est noté que « de
tout temps, en revanche, les communautés chinoise et tahitienne ont toujours mangé du
chien (cf. James Cook, Relations de ses voyages à Tahiti ; B. Salvat, Encyclopédie de la

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