Contextes - La norme culturelle dans l'ordre juridique - 299

	

Youssef guenzoui	291

lité » frôle l'exagération : l'aléatoire, l'équité, l'imprévisibilité des solutions,
la casuistique... ne sont-ce pas là des conséquences de l'interprétation
réaliste auquel le juge s'adonnerait traditionnellement ?103 On a fort justement considéré que la notion de faute, au sens de l'article 1382 ancien
(C. civ.), 1240 nouveau (C. civ.), constituait pour le juge le fait de « sanctionner la violation de tout devoir de comportement qu'il leur plaît de
consacrer »104. N'a-t‑on pas également considéré que « le contrat est un
accord de volontés que la loi et/ou le juge reconnaissent autoritairement
comme tel et qu'ils soumettent au droit des contrats »105 ? Sans compter les
standards, autorisant le juge à librement agir, ces notions étant à sa merci
au grand dam du justiciable. Avant même que les droits fondamentaux
ne surgissent, le justiciable jouait donc déjà à la roulette russe, tant les
sens d'une loi pouvaient être diamétralement opposés selon la méthode
d'interprétation choisie106. Pire, lorsque le texte n'est pas clair, le juge est
obligé d'interpréter, comme le commande l'article 4 du Code civil. Quant
au choix de la méthode d'interprétation, le Code civil ne dit mot107, contrairement à la loi pénale, soumise au principe d'interprétation stricte : le juge
est donc, à nouveau, libre. Dans cette voie, il suffit donc d'avancer que
les conditions de la loi ne sont pas réunies (alors que dans un autre sens
retenu, ces conditions peuvent être considérées comme réunies), pour que
la loi ne soit pas appliquée. En revanche, dans le contrôle in concreto, la
loi est normalement applicable en ce que ses conditions sont réunies, mais
103. Kelsen distingue l'acte de connaissance de l'acte de volonté lorsqu'il étudie le problème
de l'interprétation des lois. Le choix du juge entre plusieurs normes est lui-même la conséquence d'un jugement qui ne relève pas du droit. Certes, au départ, Kelsen avance que le
raisonnement serait purement mécanique : « un juriste scientifique a pour mission de décrire
objectivement des normes, c'est-à‑dire de formuler des propositions juridiques, dont l'objet
est de déterminer si une conduite est prescrite ou interdite » (Théorie pure du droit, préc.,
spéc. p. 111). Or, résiderait toujours derrière le choix de la norme applicable un jugement
porté sur celle-ci. Fortement empreint de subjectivité, le choix de la norme applicable
serait guidé par des valeurs qui, elles-mêmes, animent le juge. V. également la métaphore
du jeu qui propose une solution médiane : comme tout jeu, l'interprétation suppose une
part de « règles » (game) mais aussi d'« indétermination » (play) ; ainsi, une « marge de jeu »
serait autorisée à l'interprète, mais dans le cadre tracé par la « règle du jeu ». L'opération
d'interprétation ne se ramène dès lors, ni à l'objectivité d'un texte qui détiendrait un sens
unique et vrai, ni à la subjectivité arbitraire de l'interprète. Sur cette proposition, v. F. Ost,
Le droit ou les paradoxes du jeu, PUF, coll. Les voies du droit, 1992.
104. Ph. Stoffel-Munck, n. ss. Cass. com., 15 janv. 2002 : D. 2002, jur. p. 1974.
105. F. Collart-Dutilleul, « Quelle place pour le contrat dans l'ordonnancement juridique ? », in Ch. Jamin et D. Mazeaud (dir.), La nouvelle crise du contrat, Dalloz, coll.
Thèmes et commentaires, 2012, p. 225 et s., spéc. p. 230, n° 3.
106. Comp. Gény, Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif, t. 2, LGDJ,
n° 177, s. p. 191 et s.
107. Le projet initial de bâtir un titre entier sur cette question a été abandonné : Y. Paclot,
Recherches sur l'interprétation, th. Paris II, 1988, n° 174, s. p. 158 et s.
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