Contextes - La norme culturelle dans l'ordre juridique - 354

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Les droits culturels comme droits de l'homme

de 18673. Pour Ionesco, vouloir confier aux politiciens le soin de définir
les politiques culturelles, une position indue, relayait les artistes dans une
position subalterne d'exécution. La remarque n'était à l'époque pas simplement administrative ou juridique car l'empreinte idéologique sur la culture
était à son comble. La France portait, en son sein historique et identitaire,
les prémisses de l'exception culturelle dont elle ne rendit compte que bien
plus tard4. Pour les États individualistes, la culture était une question de
liberté avant tout, sans autre référentiel que la liberté absolue d'expression,
alors que pour d'autres, les États collectivistes, les droits culturels se présentaient comme la base même de l'idéologie nationale, soit la forme d'un tout
global : une idéologie d'évidence en opposition à une autre idéologie pour
laquelle la notion de droit culturel n'existe pas per se toute engloutie par
la loi du marché.
À l'instar d'Eugène Ionesco, pourquoi faudrait-il donc institutionnaliser
et juridiciser la culture sans craindre sa dénaturation ? En quoi la culture
en serait-elle favorisée ? En quoi le droit pourrait-il porter la notion de
culture ? Penser cette relation se heurte de surcroît à la difficulté d'identifier les notions mêmes de droit, telles que la règle, les sources, l'ordre, la
justice, les dimensions objective et subjective, le devoir être et la fiction
normative, et celles de la culture, comme l'expression esthétique, l'identité
d'une société...
Pourtant l'expérience positive démontre que les relations entre le droit
et la culture sont multiples soulignant la propension du droit à s'insinuer
dans tous les espaces de la vie sociale, fût-elle celle de la création ou de
l'identité. Inversement cette propension du droit invoque la perméabilité
de la culture qui n'a pas de frontière préétablie et fixe à sauvegarder. Il
peut s'agir du droit de la culture et des activités culturelles, de la fiscalité
des activités culturelles, une connexion que certains juristes publicistes
ont exploité avec une évidence intelligence5. En inversant la proposition,
la culture du droit, ouvre la réflexion à la richesse et à la rationalité de la
logique juridique, bien différente de la dimension culturelle du droit qui
associe production juridique d'une société et identité spécifique de celleci. Ne parle-t‑on pas de common law, civil law, roman law, droit mixte,
droit musulman... ?
3. É. Zola, « Édouard Manet, étude biographique et critique », juin 1867, XII, 819-845.
4. « M. Toubon prêt à se battre pour l'"exception culturelle" », Le Monde 11 mai 1993.
Pour la première fois, dans la grande presse, apparaissait l'expression d'exception culturelle
liée à la politique française dans les négociations commerciales mondiales visant à défendre la
singularité, dans le commerce, de la production culturelle, conduisant à préserver la notion
d'auteur et de droit moral qu'elle implique.
5. J.-M. Pontier, J. Bourdon, J.-C. Ricci, Droit de la culture, Dalloz, Paris, 1996, nouvelle
édition 1999.

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