Contextes - La norme culturelle dans l'ordre juridique - 91

Valérie parisot 83

envisagées115. Comment distinguer la résolution d'un conflit de lois de la
délimitation du domaine d'application tant matériel (a) que spatial (b) de
la règle de droit ?

a. Résolution d'un conflit de lois et détermination
du domaine d'application matériel d'une règle de droit
Le domaine matériel d'application d'une règle de droit désigne « l'ensemble des matières ou des personnes auxquelles s'applique la règle »116.
Le « conflit de lois » ou l'« antinomie » ne seront donc caractérisés en droit
interne117 que si un rapport juridique entre, à raison de la matière ou des
personnes qu'il concerne, dans le domaine ma-té-riel de deux règles simultanément en vigueur à l'intérieur d'un système juridique donné. Mais une
telle situation est-elle seulement concevable ?
Tandis que le « conflit de lois » est usuel en droit international privé,
l'« antinomie » est, en droit interne, l'occasion de débats. En effet, la simple
perspective, qu'au sein d'un système juridique donné, deux règles de droit
émanant d'un même législateur apportent chacune une réponse différente,
voire contradictoire, à une même question de droit substantiel a quelque
chose de troublant. N'appartient-il pas à l'essence de tout système de droit,
précisément parce qu'il est un « système », de former un tout cohérent et
harmonieux, garantissant la sécurité juridique ? Ce postulat amène certains
auteurs à nier l'existence d'antinomies au sein d'un système donné118, ou du

115. Voir, pour une analyse approfondie des conflits internes de normes au regard de
chacune de ces trois dimensions de l'applicabilité de la règle de droit, ibid., p. 135‑294.
116. G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 12e éd., PUF, 2018, « V° Application (champ d') ».
117. Le terme d'« antinomie » semble plutôt réservé au droit interne, tandis que celui de
« conflit de lois » est couramment retenu en droit international privé. Cette opposition
terminologique n'a toutefois rien d'absolu : les notions de « conflit de lois » en droit interne
et d'« antinomie » en droit international privé sont parfois égale-ment utilisées.
118. Voir notamment en ce sens Ch. Huberlant, « Antinomies et recours aux principes
généraux », in Ch. Perelman (dir.), Les antinomies en droit, Bruylant, 1965, p. 204, spéc.
p. 211‑212, et p. 233 [En italique dans le texte] : Un système juridique n'est « pas seulement
un ensemble de règles : c'est un ensemble cohérent de règles. Et ce caractère de cohérence
implique qu'il ne peut y avoir de contradiction entre les règles à appliquer, et que les
contradictions qui viendraient à se présenter entre les dispositions énoncées dans les textes
doivent être éliminées. Un système de droit, c'est aussi un ensemble organique de règles
ayant entre elles des liens de coordination, et de subordination. Les règles principales, qui
énoncent les normes proprement dites, appellent des règles secondaires destinées à assurer
leur mise en œuvre. Quant aux normes les plus importantes, elles sont inspirées par une
même philosophie sociale (...) D'une manière sans doute fort imparfaite mais cependant très
réelle, il y a donc entre les règles d'un même système de droit non seulement une cohérence
excluant la contradiction, mais aussi une harmonie qui découle de l'esprit général qui anime
le système et se manifeste par la concordance des solutions choisies ».

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