Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 126

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
La jurisprudence est aujourd'huiassurée : lescréanciersdu conjoint in bonis (c'est-à-dire, le conjoint
de l'époux soumis à la procédure collective), doivent déclarer leurs créances, pour n'être pas payés
après tous les autres créanciers10
.
La Cour de cassation hésita du fait que le droit des régimes matrimoniaux est d'une rétive alliance
avec celui des procédures collectives11
. Par un premier arrêt du 19janvier 199312
,la Chambre commerciale
prit une position hostile au principe de l'amalgame entre les deux catégories de créanciers. Position
reprise par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 24 mars 199413
l'Assemblée plénière du 23 décembre 199414
. Finalement un arrêt de
statua en sens opposé : « Vu les articles 152 et 161 de la loi
no 85-98 du 25janvier 1985, ensemble l'article 1413 du Code civil - Attendu que si la liquidation judiciaire
d'une personne mariée sous le régime de la communauté de biens ne modifie pas les droits que les
créanciers de son conjoint tiennent du régime matrimonial, le dessaisissement de la personne interdit
à ces créanciers d'exercer les poursuites sur les biens communs en dehors des cas où les créanciers
du débiteur soumis à la liquidation judiciaire peuvent eux-mêmes agir ».
Restait en suspens une question : ces créanciers sont-ils dans l'obligation de déclarer leurs
créances ? En effet, l'article 622-26 du Code de commerce exclut le créancier des répartitions réalisées
dans le cadre de la procédure, s'il n'a pas déclaré sa créance. Il ne peut poursuivre le paiement
de sa créance durant la procédure. Lors de la clôture des opérations pour insuffisance d'actif, il
s'expose au principe de non-reprise des poursuites individuelles (C. com., art. L. 622-26). La discussion
fut tranchée par un arrêt de la chambre commerciale du 14 mai 199615
: il faut déclarer. Si le créancier
de l'époux in bonis souhaite saisir les biens communs, il doit le faire dans les mêmes conditions que
le créancier de l'époux soumis à la procédure collective16
.
Ainsi de deux choses l'une. Ou bien (première hypothèse), les créanciers du conjoint du « failli » s'abstiennent
de toute initiative et ne déclarent rien : ils passent alors après tous les autres créanciers de
la procédure. Ou bien, ils entrent dans la danse et alors ils tiennent leur rang, selon leurs garanties,
parmi les autres créanciers. Cette solution de compromis entre le droit des régimes matrimoniaux et
10. Jugé également, sous l'empire de la loi du 25janv. 1985 sur le « redressement et la liquidation judiciaire des entreprises en difficultés » (mais
la solution devrait certainement être reconduite en application des nouveaux textes sur la « sauvegarde des entreprises », L. 26juill. 2005), que
le dessaisissement du mari placé en redressement judiciaire entraînait également celui de l'épouse sur les biens communs, Cass. com., 4 oct.
2005, Dr. famille nov. 2005, comm. no
250, et la note ; v. également, sur l'article L.624-6 du Code de commerce, qui, en permettant de réintégrer
dans le patrimoine du débiteur des biens acquis par son conjoint, auquel le débiteur a participé financièrement, porte atteinte au droit de
propriété : Cons. const., déc. 20janv. 2012, no
2011-212 QPC : JO 21 janv. 2012 ; Dr. famille 2012, no
3, comm. 48, note M. Bruggeman.
11. F. DERRIDA, « Le sort du passif né du chef du conjoint en cas de redressement judiciaire d'un époux sous le régime de communauté »,
Mélanges Colomer, p. 155 et « Redressement et liquidation judiciaire d'un époux sous le régime de communauté », D. 1994, chr. p. 108 ; SÉNÉCHAL,
« Le droit des procédures collectives à l'épreuvedela réforme des régimes matrimoniaux », Bull. Joly1995, p. 229 ; M. STORCK,« Les biens
communs dans les procédures de redressement judiciaire », Mélanges D. Huet-Weiller,p. 449 ;P. RUBELLIN, Les régimes matrimoniaux et les
procédures collectives,th. dactyl.Lyon III,1999 ; R. TENDLER, « La protection du patrimoine des époux mariés sous le régime de la communauté
légale face à leurs créanciers », Mél. D. Huet-Weiller, 1994,p. 477 ;L. ANTONINI-COCHIN, « Pour le meilleur et pour le pire... ou les droits du conjoint du
débiteur soumis à une procédure collective », JCP 2010. 584.
12. Cass. com., 19janv. 1993, Bull. civ. IV, no
25 ; JCP 1993.II.22056, obs. Ph. Pétel ; D. 1993. 331, note Honorat et Patarin ; JCP 1994.I.3733, no
obs. Ph. Simler ; Defrénois 1993, art. 35616, obs. Derrida et art. 35631, obs. Sénéchal ; Rev. proc. coll. 1993, p. 71, obs. C. Saint-Alary-Houin.
13. Cass. 2e
civ., 24 mars 1993, Bull. civ. II, no
(D. 1994. 195).
14. BAP no
7; D. 1995. 145 rapp. Chartier, note crit. Derrida ; Bull. inf. c. cass.no
250 et la note.
11,
128 ; JCP 1993.IV.134 et 1994.I.3733, no 11, obs. Ph. Simler. Jurisprudence reprise par CA Paris 25juin 1993
402, concl. Ch. Roehrich et rapport Y. Chartier ; JCP 1995.II.22401,
obs. Randoux ; JCP 1995.I.3869, no 8, obs. Ph. Simler ; Defrénois 1995, p. 444, obs. Champenois ; Rev. proc. coll. 1995, p. 23, obs. Vauvillé et p. 246, obs.
B. Dureuil ; RTD com. 1995. 657, note A. Martin-Serf ; RJ com. 1995. 55, note M. Storck ; Gaz. Pal. 1995. 2.407, note E.S. de La Marnière. Voir Cass. com.,
4oct. 2005, Dr. famille 2005, no
15. Bull. civ. IV, no 129 ; D. 1996. 460, note Derrida ; D. aff.1996. 811 ; JCP 1996.I.3960, no
obs. P. Crocq. Jurisprudence confirmée par Cass. com., 14 oct. 1997, Bull. civ. IV, no
9, obs. Pétel et I, 3962, no
260 ; D. 1998 somm. 99, obs. A.H. et 134, 1re
3, obs. Ph. Simler ; RTD civ. 1996. 666,
esp., obs. Revel ;
Dr. famille 1997, comm. 182 et la note ; JCP 1998.II.10003 et la note.
16. C'est la conséquence de l'effet réel de la procédure collective ; dans le même sens, pour des époux mis successivement en liquidation judiciaire
: Cass. com., 16mars 2010, AJ fam. 2010. 285, obs. P. Hilt.
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