Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 157

La gestion des biens communs
peut s'exprimer du fait d'une absence inexpliquée (disparition) ou contrainte (en 1942, c'était la « loi
des stalags ») ou encore en cas de maladie. Car dans les autres hypothèses, le divorce viendra rapidement
résoudre la difficulté par la liquidation de la communauté. Deuxièmement, cette disposition
avait un intérêt non négligeable lorsque le mari administrait seul la communauté ; depuis l'instauration
de la gestion concurrentedecelle-ci et lenombreréduit des casdecogestion, lerecours à un
transfert de pouvoirs n'estplusnécessairepourla vie normaledela communautéen l'absence de
l'un des conjoints.
II. L'acte nul
128 Cette nullité peut découler de ce qu'un des époux a agi sans l'autre alors qu'il s'agissait d'un acte
requérant la cogestion (A) ou, pire, que l'acte est frauduleux (B).
A. Le critère objectif : les manquements à la cogestion
129 Faute contre l'union. - L'article 1427, dans le cas où « l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs
sur les biens communs » fixe un principe qui est la nullité55
(donc cette nullité l'est erga omnes)56
,néanmoins radicale58
.
de l'acte et non pas la simple inopposabilité
.Lorsqu'il y a nullité, l'acte disparaît entièrement ; lorsqu'il y a
inopposabilité, il subsiste mais l'époux auquel il est inopposable est créancier d'une récompense lors
de la liquidation.
Nullité certes relative57
envisageant une sanction du fait de la possible nullité59
qu'une promesse de porte-fort60
dans ses effets, car est nulle également la clause pénale
comme toute garantie d'exécution telle
55. Cass. 1re civ., 27juin 1978, Bull. civ. I, no 242 ; JCP 1980.II.19424, obs. M. Henry ; Defrénois 1979, p. 102, 2e
esp., obs. A. Colomer. Le mari avait donné
des biens communs à sa maîtresse (évidemment sans solliciter le bienveillant accord de son épouse). Procès. La concubine a l'amabilité de
plaider que la veuve, en tant qu'héritière du mari, devait la garantie d'éviction (« donner et retenir ne vaut »). Il fallait avoir cette ingénieuse
audace ! Réponse de la Cour de cassation : « Mais attendu (...) que l'action accordée à l'épouse par l'article 1427 du Code civil, dans le cas où le
mari a passé seul, relativement aux biens communs, un acte qui exigeait le consentement de la femme, tend, comme l'a relevé à bon droit la
cour d'appel, non pas à une inopposabilité de l'acte, mais à une nullité qui prive cet acte de ses effets, non seulement à l'égard de la femme,
mais aussi dans les rapports du mari et de l'autre contractant ». Du moins eut-elle la satisfaction de donner son nom (dame Couka) à un
« grand arrêt » des régimes matrimoniaux.
56. D. ALCHERAOUI, « Nullité ou inopposabilité des actes frauduleux accomplis dans la gestion de la communauté », JCPN 1993.I.318, précité.
57. Seul l'époux protégé peut s'en prévaloir : Cass. 3e
Dr. famille 1998, com. 137 et la note ; JCP 1999.I.154, no
civ., 8janv. 1992, Bull. civ. III, no
10, obs. Ph. Simler ; Cass. 3e
8; l'acquéreur ne peut l'invoquer : Cass. 1re
civ., 20janv. 1998,
civ., 14 nov. 2007, D. 2008. 2247, obs. Revel ; JCPN 2007. 1233, note
Brémond ; Cass. 1re civ., 31 mars 2010, no 08-19649 ; JurisData no 2010. 002932. Dr. famille 2010,comm. 83,et la note ; l'action ayant un caractère
patrimonial, elle est transmise, après le décès du conjoint de l'époux qui a outrepassé ses pouvoirs, à ses ayants-cause universels : Cass. 1re
6 nov. 2019, no 18-23.913 ; JCP 2019, no 1366, note Raoul-Cormeil ; AJ fam. 2020, 75, obs. Hilt ; D. 2020, 506, obs. Douchy-Oudot ; Dr. famille 2020, no
civ., 16juill. 1998, Bull. civ. I, no
251 ; D. 1998 IR 212.
civ.,
12,
note Beignier.
58. « L'article 1427 n'établit, pour la nullité qu'il édicte, aucune restriction au principe selon laquelle la nullité a pour effet de remettre les choses
dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de l'acte annulé » : Cass. 1re
59. À propos d'une clause de dédit dont était assorti le contrat : Cass. 1re
même jour), Bull. civ. I, no
241 ; D. 1978 IR 467, obs. Martin ; JCP 1980.II.19235, obs. Dagot ; Defrénois 1979, p. 1020, 1re
civ., 27juin 1978 (arrêt Pourtoy,ne pas confondre avecl'arrêt Couka du
esp., obs. Colomer.
60. Cass. 1re civ., 11 oct. 1989, Bull. civ. I, no 315 ; D. 1990. 310, note Le Guidec et 1992, somm. 219, obs. Lucet ; Defrénois 1989, p. 1420, obs.
G. Champenois ; JCP 1990.II.21549, obs. Henry et JCPN II.261, obs. Venandet ; Cass. 1re civ., 15juill. 1993, Bull. civ. I, no
obs. Ph. Simler. Toutefois un arrêt (mais un seul) de la chambre commerciale (et non de la première chambre civile) du 1er
(mais sans être publié au bulletin) en sens contraire : JCP 1999.I.135, no
255 ; JCP 1994.I.3733, no
oct. 1996 a statué
12, obs. Ph. Simler ; RTD civ. 1997. 989, obs. crit. Vareille - Goascoz
« Promesse de porte-fort relative à la cession d'un fonds de commerce commun aux deux époux et respect de la cogestion », JCPN 1997,
doctr. 1347. Il faut s'en tenir à position de la première chambre civile : la promesse de porte-fort et nécessairement nulle puisque se rattachant
à un acte obligatoirement nul. Ceci étant on peut comprendre les divergences entre les deux chambres : la première chambre statue au regard
du droit des régimes matrimoniaux et protège l'autre conjoint ; la chambre commerciale statue en considération du droit des affaires et protège
le commerçant acquéreur du fonds.
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