Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 242

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
identiques à celles suivies (entre autres pour la preuve de la propriété des biens) sous un régime de
séparation avec toutefois des accommodements77
.
Les époux dans le régime de participation aux acquêts ont vocation à une créance,ce qui n'est pas le
cas dans le régime de séparation. Une créance et non un partage des biens mis en commun comme
dans le régime de communauté. C'est toute la différence, essentielle, entre le régime de participation
et celui de communauté. Dans ce dernier, les deux époux sont véritablement copropriétaires des biens
communs tandis quedans lerégimedeparticipation chacun d'entre eux reste, définitivement, propriétaire
de ses biens personnels. Simplement, et c'est le correctif apporté à une situation strictement
séparatiste, l'un des époux (l'un et non les deux) aura, au jour de la liquidation, une créance envers
celui des deux qui aura connu un enrichissement de son patrimoine supérieur à celui de son
conjoint. Or, trop d'indépendance dans la gestion peut nuire à cette créance par des actes d'appauvrissement
contre lesquels il faut se prémunir. Ainsi est-il possible de demander une liquidation anticipée
(C. civ., art. 1580), ce qui impose en fait une fin anticipée du régime.
Surtout (C. civ., art. 1573) les biens aliénés à titre gratuit ou frauduleusement sont, fictivement, réunis
au patrimoine final lors de l'établissement de la créance finale. Et ceci lorsque ces opérations sont
réalisées par leconjoint propriétairedebiens sans le consentement de l'autre époux. L'article 1573
est sans doute celui qui a ruiné le crédit de ce régime, malgré sa réforme par la loi de 198578
.Il
dispose, en effet : « Aux biens existants, on réunit fictivement les biens qui ne figurent pas dans le
patrimoine originaire et dont l'époux a disposé par donation entre vifs sans le consentement de son
conjoint, ainsi que ceux qu'il aurait aliénés frauduleusement. L'aliénation à chargederente viagèreou
à fonds perdu est présumée faite en fraude des droits du conjoint, si celui-ci n'ya consenti ». Cela
signifie, en clair et en pratique, que pour éviter toute contestation à venir, un époux désireux de
faire une donation doit avoir le réflexe prudent de faire intervenir à l'acte son conjoint pour obtenir
son accord. Comme une donation peut être une donation indirecte (par exemple une vente à prix
réduit)ou déguisée(même casmaisà prix dérisoire), bref qu'un acte à titre gratuit peut revêtit
l'aspect formel d'un acte à titre onéreux, l'on perçoit que ce sont, en fait, tous les actes importants
qui requièrent l'assentiment du conjoint.
Par ailleurs, l'époux protégé peut même recouvrir sa créance sur ces biens par le biais de l'action
paulienne79
si jamais les biens disponibles de son conjoint s'avèrent insuffisants (C. civ., art. 1577).
C'est dire que les tiers ont tout intérêt à réclamer le concours des deux époux pour éviter des
déboires ultérieurs, ce qui dans la pratique limite considérablement l'intérêt du régime de participation
aux acquêts quant à la gestion. En réalité, le régime de participation est loin d'être un régime de
séparation.
77. Sur la rédaction du contrat de mariage et la responsabilité du notaire qui n'attire pas l'attention des époux sur les conséquences d'une SCI
dans le régime de participation aux acquêts : Cass. 1re
civ., 26 févr. 2020, no
18-25.115 ; JCPN 2020, no 17, 1089, note Storck.
78. J.-L. VIRFOLET, « Second ou dernier souffle de la participation aux acquêts ? Aspects de la loi du 23 déc. 1985 », JCP 1986.I.3259. ; J. MAURY,« Le
principe participatif en régime matrimonial séparatiste », Mél. Colomer,p. 243 ; FENARDON, « Participation inégale aux acquêts », JCPN 2009. 1117 ;
ibid. 1137, « Participation intégrale aux acquêts » ; J.-Fr. PILLEBOUT, « Quelle protection pour l'époux à l'égard des créanciers de son conjoint, en
régime de participation aux acquêts », JCPN2019, no
8-9, 1121 ; N. DUCHANGE, « Plafonner la créance de participation en fonction de la valeur de la
dernière résidence principale », JCPN 2019, n 39, 1282.
79. Rappel : l'action paulienne (du nom du préteur romain Paul) est celle qui permet aux créanciers d' « attaquer les actes faits par leur débiteur
en fraude de leurs droits » (C. civ., art. 1341-2 ; C. civ., anc. art. 1167). À ne pas confondre avec l'action oblique (C. civ., art. 1341-1 ; anc. art. 1166).
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