Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 262

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
procédé qu'il est fiscalement des plus intéressants2
sans avoir à acquitter le moindre droit3
: de fait, le survivant « succède » au prémourant
. Il faudra attendre quelques années pour voir si la réforme
des successions, par la loi du 3 décembre 2001, qui a notablement accru les droits du conjoint survivant
(en particulier en lui assurant un droit viager sur le logement de famille), renversera cette
tendance4
.Ce qu'il y a de certain, c'est que la loi du 23juin 2006 en facilitant considérablement le
changement de régime matrimonial ne pourra qu'inviter les couples unis et vieillissants à découvrir
toute la palette de l'avantage matrimonial5
.
Cette question donne lieu à des disputes doctrinales qui sont d'autant plus renouvelées que rien
n'est tranché dans une matière rétive à tout dogme6
.
220 Le miroir à deux faces. - La grande interrogation porte sur le point de savoir qu'elle est la nature
juridique de l'avantage matrimonial7.L'article 1527 du Code civil refuse d'y considérer une donation8
:
« Les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle,
ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point
regardés comme des donations ».
De cette définition négative on a voulu dégager, par acontrario, une définition positive :c'est un
acte à titre onéreux9
. La doctrine habituelle donne son assentiment à une qualification à laquelle elle
dans son approche
ne croit pas vraiment. La vérité est qu'il faut rejeter le raisonnement acontrario lorsqu'il se fonde,
comme ici, sur un principe exposé négativement. On doit suivre Pierre Hebraud10
juridiquement plus exacte, parce qu'établie sur des constats plus convaincants, lorsqu'il affirmait,
parlant de ces « pactes de famille (...) faits de demi-mesures et de tempéraments » qu'il fallait
renoncer à trancher entre l'acte à titre onéreux et à titre gratuit. Cette discussion entre deux
termes aussi récusables l'un que l'autre est aussi vaine que le débat sur le sexe des anges, ces
derniers n'en ont pas et les avantages matrimoniaux ne sont ni à titre onéreux, ni à titre gratuit. Le
jurisconsulte toulousain avait bien vu que dans ces avantages il y a autant ceux que l'on consent que
ceux que l'on attend. Ce ne sont pas des « donations » mais des « avantages », le mot contient
2. L'attractivité des avantages matrimoniaux du point de vue fiscal est néanmoins à relativiser depuis la loi TEPA du 21 août 2007 qui exonère
désormais le conjoint survivant du paiement de droit de mutation par décès (CGI, art. 796-0).
3. Cass. 1re
civ., 6mai 1997, Bull. civ. I, no
146 ; Rapport p. 192 ; D. 1998. 303, note Deboissy ; JCPN 1997. 939, chr. S. Piedelièvre et 1533, note Pelletier
et Appremont ; JCP 1997.I.4047, no 20, obs. Tisserand ; JCP 1998.I.133, no 10, obs. Le Guidec ; Defrénois 1997. 1096, obs. Champenois et 1194, note Chappert
; RTD civ. 1998. 179, obs. B. Vareille. Sur les liens entre « avantages matrimoniaux » et « avantages fiscaux » : B. PACAUD et F.-R. PUJOL,« Les avantages
matrimoniaux », Defrénois, 1991. 24.
4. Cf. J. CASEY, « Libéralités entre époux et avantages matrimoniaux : nouvelles donnes ? À propos de la loi du 23juin 2006 », Dr. famille,
nov. 2006, étude no
49, p. 31 et s.
5. Sur la difficulté de qualification, v. Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, Bull. civ. I, nº 186 ; AJ fam.2013. 648 ; RTD civ. 2013. 886, obs. Vareille (en sont
exclus les bénéfices résultant des travaux communs et des économies sur les revenus).
6. C. SAUJOT, « Les avantages matrimoniaux (Notion, Nature juridique) », RTD civ. 1969.699 ; F.LUCET, Des rapports entre régime matrimonial et libéralités,
th. dactyl. Paris II, 1987. ; TISSERANT-MARTIN,« Notion d'avantage matrimonial », Et. Béguin,Litec 2005, p. 753 ;Q. GUIGUET-SCHIELE, La distinction
des avantages matrimoniaux et des donations entre époux. Essai sur une fiction disqualificative, Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque des
thèses,vol.146,préf. M. Nicod, 2015.
7. À ce propos (bien que traitant forcément du droit antérieur) le dernier chapitre de la thèse (p. 663 s.) du doyen J. Carbonnier, Le régime matrimonial,
sa nature juridique sous le rapport des notions de société et d'association, Bordeaux, 1932.
8. Cass. 1re
Bull. civ. I, no
civ., 14mai 1996, Bull. civ. I, no 210 ; D. 1996. 537, rapp. Thierry ; Defrénois 1996. 1080, obs. Champenois ; Cass. 1re
136 ; D. 2007. AJ. 1145.
civ., 27mars 2007,
9. Arrêt décisif : ch. réun. 19 déc. 1890, S. 1891. 1. 129, note Wahl ; D. 1891.I.417.
10. « Des contrats passés entre un futur époux et son héritier présomptif », Mélanges Savatier, p. 341 s. Idée reprise par F. LUCET dans sa thèse
précitée.
262
Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e

Table des matières de la publication Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e
