Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 50

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
35 Dans les relations entre les époux. - La question, vivement débattue en doctrine, est surtout de
savoir ce qu'il en est entre époux. Certains auteurs (Ponsard, Patarin et Morin, Marty et Raynaud),
stricts exégètes de la loi, faisaient valoir, avec à l'évidence de sérieuses raisons tenant au texte de
l'article 221, que la présomption ne servait qu'à couvrir le seul banquier. D'autres (M. le doyen Simler principalement,
M. Colomer) invoquèrent l'esprit du texte qui était d'assurer une véritable indépendance de
l'épouse face à son mari.
On est en droit de se demander, très légitimement, si cette discussion a toujours de l'intérêt. Il ne
faut, en effet, pas perdre de vue que ce texte était, répétons-le, non pas une faveur à la femme
mais plutôt au banquier et qu'il était, dans la loi de 1965, une exception à un principe : l'administration
de la communauté par le mari. L'article 221 était l'antidote à l'usage de la présomption de bien
commun de l'article 1402 : en matière bancaire, l'article 221 excluait l'article 1402. Pour le banquier,
l'article 221 créait une sorte de fiction de biens propres qui était nécessaire tant que « biens
communs » était lié à « pouvoirs exclusifs du mari ». Dès lors que la loi de 1985 a supprimé ce
rapport, on ne voit plus très bien l'utilité d'une disposition qui n'a plus rien de spéciale. En effet,
désormais les époux ont les mêmes pouvoirs sur les biens communs. L'article 1421 du Code civil,
s'agissant du régime légal, se combine parfaitement avec la présomption bancaire puisqu'il énonce le
principe de gestion concurrente sur les biens communs : chaque époux a le pouvoir d'administrer seul
les biens communs et d'en disposer. Ainsi le droit commun des régimes matrimoniaux suffit désormais.
On peut même dire que de cette exception a probablement surgi, vingt ans après, le nouveau
principe.
Cette présomption a pour vocation la protection du banquier, elle n'est donc qu'une présomption de
pouvoir et non de propriété.
36 Durée. - Depuis 1985, l'article 221 prévoit que la présomption de pouvoir joue, «même après la
dissolution du mariage ». Cette modification est venue briser une jurisprudence obstinée de la Cour
de cassation qui avait statué en sens contraire malgré la jurisprudence opposée des cours d'appel.
Celle de Paris avait affirmé que la présomption survit « au cas de décès du conjoint jusqu'àla
demande de blocage du compte faite par un notaire ou un héritier du conjoint qui justifierait de sa
qualité et des droits de son auteur »73
. La chambre commerciale avait cru devoir casser cette
décision74
objectant que si l'article 221 élude bien la présomption de l'article 1402 ce n'est que durant le
mariage, lequel prenant fin par la mort de l'un des époux ne donne plus au premier article cette énergie
après sa dissolution. Sur renvoi, la cour d'appel de Reims tint tête à la Cour de cassation, en demeurant
sensible aux intérêts pratiques tant des banquiers que du conjoint survivant75
. Envaincar la Cour régulatrice,
réunie en assemblée plénière, donna raison à sa Chambre commerciale, par un malencontreux
arrêt Edberg76
.
Depuis la réforme de 1985, il s'ensuit que les héritiers du conjoint du titulaire du compte ne peuvent,
seuls, bloquer le compte, il leur faudra obtenir une autorisation judiciaire. La présomption se poursuit
avec toute sa force, cela veut dire qu'elle s'applique non seulement aux fonds et titres déposés
73. CA Paris, 6juill. 1977, D. 1978.IR.106, obs. Vasseur, Banque 1977. 1129, note L.-M. Martin, RTD com. 1977. 599, obs. Cabrillac et Rives-Langes,
Defrénois 1978. 1138, obs. Champenois.
74. Cass. com., 5 févr. 1980, Bull. civ. IV, no
62, JCP 1980.II.19474 et 1981.II.13475, note F. Boulanger, D. 1980.IR.380, obs. Vasseur, D. 1980. 509, note
D. Martin, Banque 1981.373,note L.-M. Martin, Defrénois 1981. 61, obs. Champenois.
75. CA Reims 11 oct. 1983, JCP 1984.II.20264, obs. Boulanger, D. 1985. 306, note Parléani, Defrénois 1983. 1573, obs. Champenois ; GAJCno
88.
76. ass. plén., 4juill. 1985, JCP 1985.II.20457, rapp. Ponsard, D. 1985. 421 concl. Cabannes, Defrénois 1985. 1130, obs. Champenois, RTD civ. 1985. 709,
obs. J. Rubellin-Devichi et 754, obs. J. Patarin, arrêt, à nuancer cependant, dont la solution permettait finalement de préserver la force de la
présomption : D. 1985. 421, note D. Martin.
50
Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e

Table des matières de la publication Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e
