Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 75

La loi : le régime légal supplétif
sans une détermination politique. Lieu commun que de rappeler ce véritable vice rédhibitoire des institutions
débilitantes de la IVe
République.
Les propositions faites par la commission étaient des plus raisonnables : la communauté était réduite
aux seuls acquêts ; le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales, quoique maintenu,
était tempéré ; on introduisait, à titre de proposition conventionnelle, le régime de la participation
aux acquêts. Comme d'habitude en pareille circonstance, la doctrine donna des arguments techniques
douteux aux politiques partisans du statu quo. Les choses restèrent en l'état.
Le rétablissement de l'autorité gouvernementale par la Constitution de 1958 permit de relancer la
procédure en 1959, en partant des mêmes bases. Ce fut alors une bataille confuse entre les associations
féministes (qui réclamaient plus) et le Parlement (qui entendait légiférer aminima). Finalement,
de guerre lasse, le gouvernement (il est vrai que le garde des Sceaux de l'époque, l'éminent
E. Michelet, n'avait guère de talent de civiliste), préféra retirer le texte.
57 L'égalitéou ledivorce. - Quelques années, rudes et douloureuses, s'écoulent. En 1965, le régime
est alors solidement implanté. Le général de Gaulle, qui s'intéresse sinon au droit du moins à l'art législatif,
a conscience de la nécessité de réformer la législation civile, il sait que la loi civile est la première
politique d'un gouvernement. Celui qui tient les Sceaux est un juriste renommé, professeur des facultés
de droit, M. Jean Foyer. L'Université de Paris compte alors dans ses rangs un maître qui a revivifié tout
l'enseignement du droit civil, le doyen Jean Carbonnier6
.L'alliance des trois autorisait moins une
réforme du Code civil qu'une restauration de celui-ci. Le premier voulait et soutenait l'entreprise, le
deuxième la dirigeait et la défendait, le troisième l'inspirait et la mettait en écriture. L'expérience de la
rénovation du droit des incapables, avait été couronnée d'un succès engageant. Aussi n'hésita-t-on plus
às'emparer du chantier désordonné des régimes matrimoniaux.
La réforme de 1965 partit d'un postulat dont il n'est pas dit qu'il soit toujours d'actualité. Double
postulat àlavérité. Tout d'abord, les Français tenaient au régime de communauté ; ensuite, les Françaises,exigeaient
qu'elle soit une véritable communauté, du moins quant aux pouvoirs.
Les conséquences furent naturelles quoique prudentes. Quant à la composition, la première et
attendue réforme était que la communauté se voyait réduite aux seuls acquêts. Quant aux pouvoirs,
la réforme avait une perspective qui était l'égalité entre époux, mais l'état de la société et de la
pratique conduisit le législateur à n'instaurer cette égalité naissante qu'avec circonspection. Il fallait,
et cette considération de modération fut heureuse, que le droit commence par façonner de nouveaux
comportements pour que de nouvelles habitudes forgent plus définitivement un droit vraiment
nouveau.
La loi nouvelle octroyait à chaque époux le pouvoir d'administrer seul ses biens propres et la possibilité
d'en disposer à sa guise. Toutefois, le mari conservait la fonction de chef de la communauté, tout
en devant solliciter le consentement de son épouse pour une série, assez étendue, d'actes graves. La
femmeavait désormaissur sesbiens réservés despouvoirsplusétendus. En clair, c'était désormais
elle seule qui les gérait. Sous cet angle, le mari voyait soustrait à son pouvoir une part non négligeable
des biens communs (puisque, rappelons-le, les biens réservés formaient une partie des biens
communs). Tirant la conséquence de cela, la loi supprimait certaines garanties dont bénéficiait la
femmemariéeet qui n'avait plus de raison dès lors que la véritable protection de celle-ci tenait
6. Sur le rôle de Jean Foyer, on peut se reporter aux Mélanges réunis en son honneur, Jean Foyer, juriste et législateur,PUF,1997 ;sur Jean
Carbonnier on consultera un article, « Vis Famille, législation et quelques autres », in Mélanges Savatier, 1965, p. 142 (repris dans Flexible droit).
Plus généralement, de cet auteur, Droitetpassion du droitsous la Ve
République, Flammarion, 1996.
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