Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 76

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
dans les nouveaux pouvoirs qui lui étaient attribués. Notons, incidemment, que ce fut la loi de 1965
qui permit une modification du régime matrimonial en autorisant le changement de celui-ci.
Imparfaite, la loi de 1965 l'était certainement et, peut-on dire, volontairement. Ses rédacteurs savaient
parfaitement qu'une loi illogique dans la mise en action des principes qui la soutiennent est
condamnée à une refonte, plus ou moins rapide, dès lors que les principes ne seront plus sujets à
discussion et que celle-ci ne portera plus que sur leur mise en œuvre. Le ministre de la Justice, qui
se souvenait sans doute avoir été préalablement secrétaire d'État àlaCoopération et qui, àce titre,
avait conduit vers la décolonisation les pays d'Afrique noire francophone, savait mieux que quiconque
que l'indépendance ne se décrète pas seulement et qu'elle doit se construire lentement. De même,
pour le statut de la femme mariée, une chose était de déclarer que désormais elle devait être
l'égale du mari, une autre de faire vivre cette égalité.
Comme dans Alexandre Dumas, ce fut vingt ans après, que l'œuvre entreprise en 1965 connut son
achèvement avec la loi du 23 décembre 19857
dûment intitulée « relative à l'égalité dans les régimes
matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs » (car la loi modifie naturellement
les règles de l'administration légale). La législation actuelle se traduit par quelques principes.
Le premier est celui des droits similaires et équivalents de chacun des époux dans la gestion des
biens ordinaires de la communauté et l'obligation de la cogestion lorsqu'il est question de biens plus
importants (en pratique les immeubles). Le second est la disparition complète de règles protégeant en
particulier la femme. Certes, et à raison, il existe encore un certain nombre de dispositions protectrices
du patrimoine de l'un des époux contre les imprudences ou les fraudes de l'autre, mais il ne
s'agit plus de protéger la femme envers les agissements du mari. Le souci est, désormais, de
protéger l'un des conjoints contre l'autre. Ainsi l'hypothèque légale de la femme a-t-elle disparu pour
laisser la place à l'hypothèque légale des époux.
58 Avenir de la communauté. - Néanmoins, on est en droit de se demander si, comme l'écrivent
assez volontiers les auteurs partisans de la communauté, l'on est en présence d'un achèvement. Le
termemêmen'est à employer qu'avec l'humilité s'imposant au droit contemplant son destin futur.
Car, à y regarder de plus près, la communauté, en particulier, et les régimes matrimoniaux, en général,
sont susceptibles d'autres transformations dans les années à venir. Quand on affirme que la loi de 1985
est un achèvement, il faut retenir la formule comme étant l'achèvement de la loi de 1965 (ce qui est
exact)8
qui avait été conduite
. Seulement rien ne permet de conclure que les postulats retenus lors de l'élaboration de la loi
de 1965 soient toujours d'actualité. Lors de la fameuse enquête sociologique9
pour préparer la réforme de 1965, les Français s'étaient prononcés en faveur du régime de communauté,
mais les enquêteurs eux-mêmes reconnurent qu'ils l'ignoraient quasi complètement. Lorsqu'on
7. A. COLOMER, « La réforme de la réforme des régimes matrimoniaux ou : vingt ans après (premières réflexions sur la loi du 23 déc. 1965) », D. 1986,
chr. 49 s. ; A. CHOTEAU « La réforme des régimes matrimoniaux », Ét. G. Ripert, 1950, t. 1, p. 455 ; J. PATARIN, « La promotion de la femme mariée dans la
loi du 13juill. 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux », Et. E. Giraud, 1966, p. 343 ; A. PONSARD,« L'interprétation par la Cour de cassation
de la loi du 13juill. 1965 sur les régimes matrimoniaux », Et. J. Flour,1979, p. 383 ; J.-L. VIRFOLET, « Liberté, Égalité... Amour (À propos de la réforme
des régimes matrimoniaux) », JCP 1986.I.3232 ; A. COLOMER et G. CHAMPENOIS, « La loi du 23 déc. 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes
matrimoniaux », Defrénois 1986, p. 481 et s., p. 545 et s., p. 961 et s., p. 1041 et s. ; G. CHAMPENOIS, Defrénois 1988, p. 1105 et s. ; M. GRIMALDI, « Commentaire
de la loi du 23 déc. 1985 », Gaz. Pal. 1986, 2, doctr., p. 530 s. ; A. FOURNIER, « Une nouvelle étape dans la réforme permanente du droit des régimes
matrimoniaux », RTD civ. 1989. 447.
8. Il faut préciser que les époux mariés sans contrat avant le 1er
févr. 1966, date d'entrée en vigueur de la loi de 1965, restent soumis à
l'ancienne communauté légale des meubles et acquêts. La loi de 1985 dipose que « celle-ci sera entièrement soumise aux règles applicables au
régime conventionnel de la communauté de meubles et acquêts prévu par les articles 1498 à 1501 du Code civil ».
9. Enquête de 1963, Doc. IFOP nov.-déc. 1963, 14 ; 75e
Congrès des notaires de France, Le statut matrimonial du Français,no
27 s. ; V. également,
F. TERRÉ, « La signification sociologique de la réforme des régimes matrimoniaux », in L'année sociologique,1965 ; M.-P. CHAMPENOIS-MARMIER et
M. FAUCHEUX, Le mariage et l'argent, PUF, 1981, 20 et s.
76
Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e

Table des matières de la publication Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e
