Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 91

La composition de l'actif commun
On doit considérer79
que la solution à retenir est celle du compromis, qui d'ailleurs fut expressément
consacré par la loi du 10juillet 1982 (C. civ., art. 1832-2) même si ce texte ne régit pas l'ensemble des
sociétés. De manière générale, la concordance entre le droit des sociétés et celui des régimes matrimoniaux
s'effectue avec d'infinies nuances car si le droit du régime légal forme un tout, ce n'est pas
le casdecelui dessociétésdont les modèles etles structures sont desplusvariables80
.On a
tendance à privilégier le régime de la société anonyme parce que c'est celui qui permet la meilleure
imbrication avec le régime légal de communauté, mais on n'oubliera pas que, dans la vie pratique, ce
sont les autres formes de sociétés (SARL, sociétés civiles) qui se rencontrent le plus dans ce que l'on
peut dénommer la « vie familiale professionnelle ». Les solutions dégagées ne sont pas toujours d'une
parfaite orthodoxie juridique, en revanche, elles aboutissent à une grande efficacité pratique.Or, ce
qui compte, dans l'existence quotidienne c'est que le juriste trouve des solutions simples à des
problèmes complexes et non des solutions complexes à des problèmes simples.
La jurisprudence a désormais réglé la question81
pour retenir la solution du compromis82
, puisant dans la distinction du titre et de la finance
.
S'agissant de l'investissement, s'il est constitué en deniers, de deux choses l'une : ils sont propres ou
ils sont communs. Dans le premier cas, les actions sont intégralement des propres. Dans le second,
l'époux peut seul investir des deniers communs dans l'achat d'actions qui sont alors des biens de
communauté. S'il est formé par un apport, en particulier immobilier, il faudra le faire par un acte de
cogestion si le bien est commun83
;à défaut,l'apport sera personnel et les droits en découlant
propres. C'est ici que l'on retrouvera le rôle de la présomption d'acquêts.
S'agissant de la qualité d'associé84
, elle demeure indépendante de la nature du bien85
.Seul l'actionnaire
disposera des droits afférents à l'action. Il faut avoir conscience que cette distinction est plus
p. 43, note Dauriac (sous le titre « Les stock-options, talon d'Achille de l'attraction exercée par la communauté sur les rémunérations professionnelles
», relevant que « suivant la date de levée d'option, postérieure ou antérieure à la dissolution de la communauté, la masse commune est
amputée de la valeur des stock-options non dénoués ou alimentée en nature par les actions acquises »).
79. CORNU,p. 268. J. DERRUPPÉ, « Les droits sociaux acquis avec des biens communs selon la loi du 10juill. 1982 », Defrénois 1983,art. 33053 ;F. VIALA,
« Autonomie professionnelle en régime communautaire et droit des sociétés : des conflits d'intérêts ? », RTD civ. 1996. 841 ; F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ,
« Mariage et sociétés », Mélanges Roblot, 1984, p. 271.
80. V. pour les parts d'une SARL : Cass. 1re
civ., 4juill. 2012, Bull. civ.I,nº 155 ; D. 2012. 2493, note Barabé-Bouchard ; AJ fam. 2012. 508, obs. Hilt ;
Rev. sociétés 2012. 717, note Dauriac ; Dr. famille 2012,nº 158, obs.Paisant ; RLDC 2012/98, note Dondero ; JCP2012, p. 104, note G. Plaisant ; p. 1389,
no
5, obs. P. Simler.
81. Il en résulte que seule la valeur des parts sociales tombe dans l'indivision post-communautaire de sorte que le conjoint associé peut transmettre
son titre sans recueillir l'accord de ses coïndivisaires : Cass. 1re
civ., 12juin 2014, no 13-16309 P ; D. 2014. 2434, obs. Rabreau ; Rev. sociétés
2014. 734, note Naudin ; JCPN2015, no 1072, note Garçon ; Defrénois 2014. 1093, note Barabé-Bouchard ; RDC 2014. 715, note Goldie-Genicon ; le
conjoint associé a seul qualité pour percevoir les dividendes afférents aux parts sociales communes dont il est titulaire : Cass. 1re
2014, no 13-25820 P, D. 2014. 2342 ; AJ fam.2014. 706, obs. Hilt ; Rev. sociétés 2015. 190, note Naudin ; le conjoint associé peut en disposer seul et
ces parts doivent être portées à l'actif de lacommunauté pourleurvaleurau jourdu partage : Cass. 1re
civ., 22 oct. 2014, no
civ., 5 nov.
12-29265 P, D.2015.
civ.,
649, obs. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2014. 707, obs. Desbuquois ; Defrénois 2015. 21, note Randoux ; JCPN 2015, nº 1072, note Garçon ; Cass. 1re
28 mars 2018, no 17-16198, RTD civ. 2018, 472, obs. Nicod ; ibid.701, obs. Dross ; AJ fam. 2018, 304, obs. Hilt ; D. 2018, 2056, obs. Lamazerolles et
Rabreau ; Dr. famille 2018, no 6, comm. 153, Torricelli-Chrifi. V. Ph. SIMLER, « La distinction du titre et de la finance justifie-t-elle un pouvoir exclusif
de disposition ? », in Mélanges D. R. Martin,LGDJ, 2015, p. 565.
82. Dans le même sens, il faut distinguer : les droits résultant de l'attribution de l'option de souscription ou d'achat d'actions forment des
propres par nature, alors que les actions acquises par l'exercice de ces droits entrent dans la communauté, dès lors que l'option est levée
durant le mariage : Cass. 1re
civ., 9juill. 2014, précité, nº 13-15948 P, D. 2014, 2434, obs. Rabreau ; RTD civ. 2014, 933, obs. Vareille ; Rev. sociétés 2015.
43, note Dauriac ; AJ fam. 2014. 508, obs. Hilt ; JCP 2014, nº 1013, note Sauvage ; JCP 2015, nº 138, obs. Deboissy et Wicker ; JCPN 2014, nº 1318, note
Naudin ; Defrénois 2014. 1311, note Bicheron ; ibid. nº 1386, note Cermolacce. La valeur retenue est la valeur globale et non le seul bénéfice après
paiement des impôts et taxes. Ces derniers feront partie du passif de la communauté (Dr. famille 2014, nº 10, comm. 145 et la note).
83. C. BARREAU, L'apport en société d'une valeur commune,th. Rennes,1988.
84. Cass. 1re
civ., 18 nov. 2020, no 18-21.797 ; JCPG 2021, 232, note D. Gibirila ; JCPE. 2021, 1070, no
note Simler ; comp. CA Paris, 18 févr. 2020, no 17/98258 ; JCPG 2020, 1326, no
6, obs. Simler ; JCPN 2020, no
6, obs. J. Valiergue ; JCP G 2021, no
38, 1185, note R. Mortier.
18, doctr. 503,
85. La valeur de l'action est en communauté, le titre d'associé demeure propre : Cass. 1re civ., 9juill. 1991, Bull. civ. I, no 232 : « seule la finance des
parts étant entrée en communauté » ; Cass. 1re civ., 4juill. 2012, précité (SARL).
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