Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 98

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
On entend par preuve intrinsèque106 celle qui est inscrite dans l'objet lui-même (livre dédicacé, chiffre
des vêtements, etc.) ou qui découle de sa nature (la bibliothèque d'un professeur de droit... à condition
que son épouse ne soit pas elle-même juriste). Dans ce cas, la preuve est libre.
La preuve extrinsèque est la preuve par écrit107
. À ce propos le Code est d'un grand libéralisme à la
suite de l'évolution de la jurisprudence des parlements dans le courant du XVIII siècle. Au Grand Siècle
e
on exigeait strictement une preuve par inventaire dressé en la forme authentique. C'est ce à quoi fait
encore référence le Code : « à défaut d'inventaire ou autre preuve préconstituée... ». Mais à la fin de
l'Ancien Régime, la contre-preuve s'était considérablement assouplie et on avait fini par admettre la
preuve par tous moyens, ce qui expliquait l'ancien article 1415 du Code de 1804 qui inspire l'actuel
article 1402, « ... le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres
et papiers domestiques, ainsi que documents de banque ou présomption, s'il constate qu'un
époux a été dans l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ». Ce qui, en clair,
permet à l'époux revendiquant le droit de se ménager à lui-même une preuve, notable dérogation au
droit commun de la preuve par écrit suivant lequel « Nul ne peut se constituer un titre à soi-même ».
Il faut pourtant constater que ce libéralisme n'enlève rien à la force de la présomption car dans la
pratique108
, les notaires trouvent là un procédé commode qui leur évite de se transformer en détectives
privés et en archivistes des familles. Voici un exemple qui atteste de la vigueur de la présomption.
Un coupleétait mariésouslerégimedela communauté. L'épouse était pharmacienne et avait,
soutenait-elle, acquisson officine grâceà desdeniers remispar sesparents à elleseule. Lorsdu
divorce, le mari affirma le contraire. Les juges109
font droit à ses prétentions : « Mais attendu que la
cour d'appel a constaté que l'attestationduvendeur de l'officine " par sa formulation, laisse incertain
le point de savoir si les parents de l'épouse considéraient qu'ils allaient donner de l'argent à leur fille
plutôt qu'au couple " et que, de quelque manière que l'on regroupe les différents virements effectués
sur lecomptebancairedeMme Y..., cen'est qu'en additionnant deux de ces virements " dont rien
n'indique qu'ils seraient le fait des parents de la dame Y... " que l'on obtient la somme représentant
le prix de l'officine ; qu'elle en a justement déduit, après avoir souverainement apprécié les éléments
de preuve sans méconnaître ses propres constatations, ni violer les textes visés au moyen, " qu'il ne
résultait pas de ces constatations et énonciations que l'officine de pharmacie a un caractère
propre " ».
On peut donc conclure en disant que la présomption d'acquêts n'aplus d'effets indirects touchant
aux pouvoirs mais qu'elle conserve tout son intérêt s'agissant de son effet premier relatif à la
propriété des biens. Conçue initialement en faveur du mari elle ne vient désormais au secours que
106. La nature de propre de fonds versés ne pouvait être déduite du seul fait qu'ils proviennent d'un compte personnel : « sauf preuve contraire,
les deniers déposés sur le compte bancaire d'un époux sont présumés, dans les rapports entre conjoints, être des acquêts » : Cass. 1re
2008, préc.
107. Parfois une certaine souplesse de la jurisprudence : Cass. 1re
civ., 13 oct. 1992 (à propos d'un office notarial), JCP 1993.I.3656, obs. Simler ;
Cass. 1re civ., 20 oct. 2010 ; no 09-69702 ; JCP2011. 509, Simler ; AJ Famille 2010. 548, obs. Hilt (les règles de preuve de l'article 1402 al. 2 n'étant pas
d'ordre public, elles ne peuvent être invoquées pour la première fois devant la Cour de cassation) ; pour un fonds de commerce (immatriculation
d'un des époux au registre du commerce) : Cass. 1re
civ., 18 avr. 1989, Bull. civ. I, no
D. Martin.
108. Par ex. pour un compte d'épargne au nom de l'épouse : Cass. 1re
civ., 6juill. 2000, JurisData no
nois 1992. 35408, obs. Champenois ; au nom d'enfants mineurs : Cass. 1re
2010. 180.
109. Cass. 1re
98
153 ; comp. CA Rennes, 29juill. 1987. JCPN 1989.II.70, note
civ., 11 juin 1991, Bull. civ. I, no 190 ; JCP 1992.II.21899, note Paisant ; Defréciv.,
18juill. 1995, JurisData no
002384, JCP 1996.I.3908, no 11, obs. Simler ;
sur renvoi, Limoges, 10 sept. 1997, JurisData 048262, Dr. famille 1998. 103, et la note ; Cass. 1re civ., 19 nov. 1996, JurisData no 004582, Dr. famille
1997.no 17 et la note ; Cass. 1re
002915 ; JCP2001.I.309, no 7, obs. Simler ; Cass. 1re
civ., 31 mai 1989, Bull. civ. I, no
218 ; JCPN 1991.II, note M. Le Livec-Touneaux.
civ., 6janv. 2010, no
08-20055 ; JCPN
civ., 9juill.
http://www.1997.no
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