Clefs - Une société de communication ? - 6e - 47

Généalogie du discours communicationnel

prédit l'inadaptation des « pyramides centralisées et des chaînes tayloriennes de production » aux impératifs et possibilités des nouvelles
technologies. On y annonce une décentralisation généralisée, des
« réseaux maillés, cellulaires... où prédominent les boucles conviviales d'interaction ». La télématique, l'informatique seront à la fois
les chevaux de Troie et les serviteurs de cette évolution, reconstituant
des structures-villages, légères, déterritorialisées par les réseaux.
Ces discours techni-techno trouvent correspondances et échos dans
des élaborations situées au carrefour des sciences sociales et de l'essayisme. Le courant « post-moderne » qui théorise les effets et les
périls d'une société anomique, hyper-individualiste, marquée par un
nivellement des valeurs et des référents est lui aussi attentif à la place
stratégique des réseaux et du flux d'images et de signes qu'ils font
transiter. Qu'il s'agisse de voir dans ces réseaux le support d'un simulacre cancéreux de lien social (Baudrillard), ou le vecteur possible
d'une sociabilité fonctionnant comme butoir à l'individualisme absolu
(Lipovetski), le discours post-moderne conforte la centralité du fait
communicationnel dans la lecture du social.

Prêtres et prophètes de l'Internet
Le formidable développement d'Internet, de ses ressources et de
ses usages par un nombre croissant de personnes a suscité un flot de
discours sur les formes contemporaines de la communication et ses
vertus : élan sans grands antécédents, tant par la profusion de ces
propos que par les promesses grandioses qu'ils portent. Les condenser
n'est pas chose facile parce qu'ils passent par une multitude de
supports. Ce sont des rapports officiels sur les effets économiques
du Net, les apports de la 5G ou la persistance d'une fracture numérique. Ce sont plus encore des supports minuscules, sans prétentions
théoriques. Ils vont des publicités pour ordinateurs ou smartphones
(cf. infra p. 66-67), aux rubriques de presse présentant sites ou
« applis », via une mosaïque de débats nés de faits divers, d'innovations, d'affaires éphémères. Il peut s'agir d'un ordinateur qui bat un
champion d'échec, d'un logiciel (Waze) qui permettrait d'échapper
aux bouchons routiers, de l'impact d'Airbnb sur les centres-villes.
Début 2020 des commentaires passionnés et alarmés sur ce qu'il est
légitime de communiquer, illégitime de faire sur les réseaux accompagnaient le cas de Mila - lycéenne harcelée et menacée de mort
pour avoir exprimé sur les réseaux sociaux des opinions sommairement hostiles à l'Islam - et celui de Benjamin Griveaux, renonçant à
briguer la mairie de Paris à la suite de la diffusion malveillante d'une
vidéo où il se filmait occupé à se masturber. Il est peu probable que
ces épisodes resteront impérissables. Mais d'autres leur succéderont,

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