Clefs - Une société de communication ? - 6e - 57

Le mythe « Société de communication »

de la démocratie, puisqu'il facilite la permanence d'une communication politique qui rend visible aux gouvernants les réactions du corps
social. Championne du monde des sondages politiques, la France en
rend visible la palette des usages : dans le déroulement de nombre
d'émissions politiques ou d'information à la télévision, la production
des verdicts instantanés sur les débats, prises de position, dossiers de
l'agenda. L'expansion des réseaux sociaux et de leurs usages pose
d'ailleurs la question, bien explorée par Baptiste Kotras1, d'autres
façons de saisir une opinion publique via tweets et échanges. Une
opinion plus naturelle puisque fruit d'interactions spontanées et non
de questions imposées. Une opinion plus problématique à interpréter
aussi puisque non représentative, ne décalquant pas la population
ou le corps électoral, et avec de forts écarts entre usagers. Twitter
attire un public plus jeune, plus diplômé, plus à gauche. Le public de
Facebook est plus populaire.
Dans des versions plus ambitieuses, le potentiel participatif des
réseaux a été présenté comme la solution au double problème des
coûts individuels de la participation politique et de la mobilisation
d'un corps civique numériquement important. Sur son terminal
informatique devenu multimédia le citoyen peut entendre ou
collecter l'information préalable à la délibération, exprimer préférences ou verdicts, centralisés instantanément. « Agora en "tique" »,
« Computopia » : les trouvailles linguistiques n'ont pas manqué pour
exprimer cette promesse. Les sondages délibératifs défendus par
Fishkin permettent de rendre visible le processus d'évolution des
opinions d'un public exposé à la présentation argumentée d'arguments
pour et contre. Vingt ans après ces premières expériences valorisant
des formes de vote en ligne, la dynamique démocratique d'Internet
semble davantage s'orienter vers la production d'information en ligne
(Cardon, 2010), l'action de sites spécialisés assurant le suivi critique
de tel domaine (Acrimed pour les médias), des listes de diffusion
pensées comme espaces d'information alternative. On leur associe
souvent le terme « pro-am », professionnel-amateur pour suggérer le
dessein de rigueur qui anime les animateurs de ces sites, mais encore
pour les modalités diverses d'association à des rédactions professionnelles. Le Guardian en a donné une illustration, mobilisant des
milliers d'internautes pour ouvrir les dizaines de milliers de notes
de frais des parlementaires britanniques, accessibles en ligne mais
trop nombreuses pour qu'une rédaction puisse les exploiter. Cette

1. B. Kotras. La voix du web. Nouveaux régimes de l'opinion sur Internet,
Seuil, 2018.

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