Clefs - Une société de communication ? - 6e - 71

Le mythe « Société de communication »

une cartographie des pratiques de consommation. Faut-il alors redéfinir un droit à l'intimité numérique ? Socialiser l'accès aux données
agrégées comme un bien commun et non la propriété des GAFAM ?
Rémunérer les internautes qui créent des connaissances et des services
par leurs clics ?
Un autre démenti au mythe tient à ce que le développement d'une
société transparente n'a guère enrayé ni l'opacité objective, ni le
sentiment d'inintelligibilité qu'inspirent aux citoyens de vastes pans
du monde social. Cette opacité du social a de multiples origines
qui ne sont pas d'abord communicationnelles. Elles viennent de la
course incessante entre les possibilités de transparence qu'ouvrent
les technologies et les exigences des citoyens, et le travail régulier
de durcissement de lois sur les secrets (des affaires, de la défense, la
sécurité intérieure) qui viennent entraver l'exercice du journalisme
d'enquête. Elles tiennent à l'internationalisation de processus de décisions qui éloignent le lieu des choix de ceux qui en expérimentent
les effets. Elles tiennent à des interdépendances économiques étirées
à l'échelon planétaire qui font qu'il faut l'imprévu d'une épidémie
de coronavirus à Wuhan pour réaliser que tant de produits made in
France ou vendus en Europe sont tributaires du travail chinois. Elles
tiennent à ce que l'on nomme « sectorisation » de la société, où de
multiples sous-univers autonomes (agriculture, enseignement, industrie aéronautique...) font l'objet de gestions spécialisées, de décisions
qui viennent souvent affecter, sans que nul ne l'ait anticipé, une autre
activité. Tolérer de facto un usage intensif des pesticides pour ne pas
fâcher la FNSEA, c'est alimenter en « problèmes » le ministère de la
Santé, les gestionnaires des services d'eau. L'opacité c'est encore
la complexité des circuits de redistribution de l'État-providence, si
sophistiqués que savoir qui paie au profit de qui n'est pas chose aisée.
Peut-on dire que les outils modernes de communication ont réduit
cette opacité ? Assurément, si on considère la masse d'informations
désormais accessibles en ligne (pour qui du moins a le savoir-faire
pour la questionner). Mais le monde des réseaux sociaux et d'Internet
est aussi celui où circulent sans grande opposition les « infox » les
plus extravagantes, les discours complotistes, l'infection des propos
haineux ou racistes. La logique de course à l'audience, l'habileté
d'institutions ou d'entreprises disposant d'excellents services de
communication, l'omniprésence sur les plateaux d'éditorialistes et
de « communicants » invités à opiner sur tout - et d'abord sur ce qu'ils
ignorent - produisent une information spectacle. Cet infotainment
excitant est aussi souvent pauvre et trompeur. Les manifestations
sont ramenées à des violences et des poubelles qui brûlent, rarement
à la parole de ceux qui sont dans la rue. Le lexique de journalistes

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