Clefs - Une société de communication ? - 6e - 77

Le mythe « Société de communication »

des industries de programme, le support d'une ère nouvelle de l'impérialisme, les États-Unis déployant dans le contexte d'effondrement
de l'ancienne superpuissance soviétique les atouts combinés de la
puissance militaire, économique, communicationnelle et culturelle.
La pluralité et l'ambivalence suspecte des critiques de la puissance
américaine sont assez connues pour ne pas être développées ici. La
faiblesse des discours qui dénoncent l'impérialisme culturel ne réside
pas tant dans une absence de fondement que dans l'accumulation
fréquente des simplifications et des diabolisations qui les accompagnent. L'impérialisme culturel existe. Il n'est pas une substance
aux couleurs de la bannière étoilée mais une relation de force qu'il
faut démonter et analyser avec lucidité.
La dernière matrice contre-mythologique serait celle du spectacle.
Version à la fois appauvrie théoriquement et argumentée technologiquement des analyses de Debord. Le processus inflationniste de mise
en scène de toutes les activités sociales, l'indétermination croissante
des frontières entre réalité et fiction provoqueraient une contamination
en chaîne, un brouillage des repères. Les activités les plus sérieuses ou
les plus sacrées se trouvent phagocytées par la logique du spectacle,
du simulacre, la frontière du vrai et du faux devient indécelable tandis
que l'identité sociale de chaque agent se trouve prise dans la tension
entre une posture de voyeur et une autre de comédien en perpétuelle
représentation dont l'inflation des programmes TV dont des personnes
« ordinaires » sont vedettes (L'île de la Tentation, Pékin Express).
Comme les mythologies, leurs inverses critiques relèvent du même
pas faux. Chacune de ces matrices pourra invoquer à son profit des
réalités observables. Les images de jeux vidéo qui constituaient
l'essentiel des reportages d'action guerrière contre l'Irak ont rendu
intelligible la catégorie du simulacre. Mais comment ne pas remarquer que ces contre-mythologies se satisfont souvent d'une inversion
des polarités du mythe ? Qu'elles en partagent quelques présupposés
centraux : sur la toute-puissance des déterminismes technologiques, la
faible capacité des acteurs sociaux à résister aux messages, à en négocier la réception, la cécité aux évolutions de la morphologie sociale
qui rendent possibles les changements des grands référents imaginaires ? Il serait fastidieux pour chacune d'entre elles de souligner
les simplismes, la dimension émotionnelle de certaines argumentations. Chaque grande innovation technologique depuis la TSF jusqu'à
la télévision a ainsi suscité des discours de Cassandre quant à ses
menaces sur la culture et les libertés, dont la simplicité dénonciatrice
s'est rarement vérifiée de façon univoque.

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