Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 153 - Les normes de concrétisation dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel - 126

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LES NORMES DE CONCRÉTISATION DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

institué par une loi de 1836, ces législations n'ont jamais conféré à ces règles un
caractère absolu mais les ont constamment assorties de dérogations et d'exceptions
importantes ; qu'en outre, le législateur a également apporté d'autres dérogations à
la prohibition des jeux d'argent et de hasard par la loi du 15 juin 1907 réglementant
le jeu dans les cercles et les casinos des stations balnéaires, thermales et climatériques et l'article 136 de la loi de finances du 31 mai 1933 autorisant le Gouvernement à créer la Loterie nationale ; que, dès lors, ces lois de la République ne
sauraient être regardées comme ayant reconnu un principe fondamental »19.
En sus de la discontinuité des règles, le juge relevait alors l'absence de caractère absolu du principe. Le Conseil est par ailleurs régulièrement amené à refuser
la qualification de principe fondamental reconnu par les lois de la République
lorsque « le principe invoqué par les requérants ne résulte d'aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946 »20. Georges Vedel lui-même affirmait
que l'alinéa premier du Préambule de 1946 « [n']ouvrait [pas] au Conseil constitutionnel un large pouvoir de création de normes autonomes (...) [car] la jurisprudence
du Conseil constitutionnel a fait de ces dispositions un usage rigoureux pleinement
conforme aux exigences du Préambule : exigence de textes législatifs de référence,
exigence du caractère républicain de cette législation et du caractère fondamental du
principe par rapport à l'idée républicaine, antériorité de la législation par rapport au
Préambule de 1946 »21. Ainsi, selon lui, ce sont les « exigences du Préambule » qui
sont respectées. À ses yeux, les conditions formant la norme de concrétisation
sont les exigences du Préambule. En effet, la formulation utilisée par le Conseil
constitutionnel dans sa décision du 20 juillet 1988 démontre bien cette volonté du
juge constitutionnel de signaler un lien fort entre la norme de référence et la norme
de concrétisation qui en est issue22 : il y explique que la tradition invoquée ne peut
être considérée comme « un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens de l'alinéa premier de la Constitution de 1946 »23. L'utilisation des
termes « au sens de » est un marqueur fort laissant penser que les conditions établies sont directement issues du texte sans création normative du juge constitutionnel. Nous ne remettons pas en cause ici cette volonté de toujours lier une
norme de concrétisation à une norme de référence, ni même l'existence d'un lien
réel entre ces deux normes. Plus encore, un certain nombre des conditions formant
cette norme de concrétisation peut être déduit du texte de 1946 : le fait que le principe doive être issu d'une loi votée sous un régime républicain se comprend parfaitement au regard de l'expression même de principe fondamental reconnu par les
lois de la République. Mais il ne peut pas en être dit autant de tous les critères
établis par le juge, au cœur de sa norme de concrétisation. Si la norme de concrétisation est issue de la norme de référence, il n'en demeure pas moins que le juge
constitutionnel use parfois d'un large pouvoir d'interprétation pour la dégager.
On le voit, l'élaboration et l'évolution des critères de découverte d'un tel principe
19. Décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la
régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, cons. 7.
20. Cf., par exemple, décision n° 2008-563 DC du 21 février 2008, Loi facilitant l'égal accès des
femmes et des hommes au mandat de conseiller général, cons. 3.
21. G. Vedel, « Réflexions sur quelques apports de la jurisprudence du Conseil d'État à la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, in Mélanges R. Chapus, Paris, Montchrestien, 1992, p. 666.
22. Sur ce point, cf. également V. Champeil-Desplats, Les principes fondamentaux reconnus par
les lois de la République. Principes constitutionnels et justification dans les discours juridiques,
Economica, PUAM, 2001, p. 98.
23. Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, cons. 12.

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