Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 153 - Les normes de concrétisation dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel - 222

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LES NORMES DE CONCRÉTISATION DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Comme l'explique M. Mathieu Disant, « l'acceptation du caractère normatif
de la jurisprudence ne s'accompagne pas systématiquement de la reconnaissance de
son autorité juridique. Là encore, le débat paraît profondément divisé entre une
conception d'inspiration réaliste et une conception que l'on peut qualifier de positiviste orthodoxe. (...) D'un côté on accepte, de l'autre on refuse, que l'essence normative de la jurisprudence puisse dériver du pouvoir de juger. En somme, soit on
reconnaît de facto du pouvoir normatif de la jurisprudence, soit on nie de jure ce
pouvoir normatif »63. Les normes de concrétisation sont des normes ; il convient
désormais de déterminer si elles sont ou non juridiques et sur quels fondements.

SECTION 2
LA NORME DE CONCRÉTISATION COMME VECTEUR
D'EXTENSION D'UN POUVOIR CRÉATEUR CONTESTÉ
DU JUGE CONSTITUTIONNEL
239. La question du pouvoir créateur du juge a longuement été débattue.
Aujourd'hui, même si l'on conteste l'usage qu'en font les juges, nul ne peut nier
que ce pouvoir existe, y compris en dehors de toute habilitation : c'est inéluctable.
L'édiction de normes de concrétisation par le juge constitutionnel participe de ce
mouvement généralisé (§ 1). Dans ce cadre, la légitimité du juge constitutionnel
peut être remise en cause, à la fois sur le principe mais également dans l'exécution
même de ce pouvoir auto-octroyé (§ 2).

§ 1. LA QUESTION DE L'EXTENSION PAR LE JUGE CONSTITUTIONNEL
DE SA COMPÉTENCE NORMATIVE
PAR L'ÉDICTION DE NORMES JURISPRUDENTIELLES

240. Si de nombreux auteurs nient l'existence d'un pouvoir créateur du juge, en
particulier du juge constitutionnel, cette partie de la doctrine nie, en réalité, la présence d'une compétence de ce juge pour élaborer des règles de droit. Pourtant,
l'absence d'une règle habilitant le juge à édicter des règles jurisprudentielles n'occulte
pas la réalité de l'exercice de ce pouvoir, en dehors de toute autorisation. Dès lors,
comme nombre d'autres juges constitutionnels, le juge constitutionnel français s'octroie un pouvoir créateur de droit (A). À partir de ce constat, il convient de s'interroger sur l'existence d'une habilitation autorisant le juge à agir de la sorte, l'habilitation
« automatique » à prendre des normes juridictionnelles excluant la création de
normes jurisprudentielles dont font partie les normes de concrétisation (B).
A. LE CARACTÈRE INÉLUCTABLE DU POUVOIR CRÉATEUR
DU JUGE CONSTITUTIONNEL
241. Si le juge constitutionnel use d'un pouvoir créateur au sein de ses décisions, avec et au-delà de l'élaboration des normes de concrétisation (1), cette
situation favorise les remises en cause de l'exercice de sa compétence de contrôle
de conformité des lois à la Constitution (2).
63. M. Disant, L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel, LGDJ, 2010, p. 226.

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