Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 153 - Les normes de concrétisation dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel - 24

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LES NORMES DE CONCRÉTISATION DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

§ 1. DÉFINITION DES TERMES DE L'ÉTUDE
5. Si tout juge est amené à user d'un pouvoir d'interprétation dans l'édiction de ses décisions, le juge constitutionnel français ne fait pas exception. Le
pouvoir d'interprétation est ici entendu comme l'action de donner un sens à un
énoncé donné. Elle résulte à la fois d'un acte de connaissance et d'un acte de
volonté13. Dans le cadre des décisions du Conseil constitutionnel, l'interprétation peut prendre diverses formes, au travers des différentes méthodes de travail
du juge. L'analyse des décisions du juge constitutionnel conduit à constater l'apparition, dans la jurisprudence, d'une modalité particulière d'interprétation des
normes de référence, à l'origine de la création de règles nouvelles. En effet, le juge
énonce des règles qu'il présente comme découlant des normes de référence du
contrôle de constitutionnalité des lois. Par l'usage de cette expression, l'on entendra à la fois le contrôle des lois stricto sensu dans le cadre des questions prioritaires de constitutionnalité, c'est-à-dire des textes votés, promulgués et en vigueur,
et à la fois les « textes en forme législative »14 que sont les textes soumis au Conseil
constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori, c'est-à-dire les textes adoptés
par le Parlement mais qui n'ont pas été promulgués par le président de la République et ne sont donc pas en vigueur. Il sera ici retenu une définition de la norme
juridique comme un modèle de conduite consistant en une obligation, une interdiction ou une permission énoncée par un organe habilité par l'État à produire
de telles normes juridiques15. Ces nouvelles règles, posées par le juge constitutionnel, peuvent s'imposer aux acteurs juridiques lorsqu'elles revêtent le caractère d'une obligation ou d'une interdiction. Pourtant, elles ne figurent
expressément ni dans le texte de la Constitution du 4 octobre 1958, ni dans les
textes dont il est fait référence dans son Préambule, que sont la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de
1946 et la Charte de l'environnement de 2004, ni dans les textes des autres normes
de référence que peuvent être, par exemple, les lois organiques. En effet, toutes
les normes de référence du contrôle de conformité des lois à la Constitution
n'ont pas toujours valeur constitutionnelle16. Au contraire, les normes de concrétisation sont élaborées par le juge constitutionnel, au sein de ses décisions et ce
dernier, en plus de s'imposer le respect de certaines d'entre elles, vérifie que le
législateur n'aille pas à l'encontre d'autres.
13. Sur ce point cf. H. Kelsen, Théorie pure du Droit, trad. Ch. Eisenmann, Bruylant, LGDJ,
coll. La pensée juridique, 1999, p. 340. Cf. également les propos de M. Mathieu Disant in B. Mathieu
et M. Verpeaux (dir.), L'autorité des décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, Thèmes &
commentaires, coll. Les Cahiers constitutionnels de Paris 1, 2010, p. 87. Cette conception n'est pas
unanime au sein de la doctrine juridique. Pour une conception de l'interprétation comme seul acte de
volonté, cf. notamment E. Millard, « Réalisme » in D. Alland, S. Rials (dir.), Dictionnaire de la
culture juridique, PUF, coll. Quadrige, 2003, pp. 1297 à 1299.
14. A. Roblot-Troizier, Contrôle de constitutionnalité et normes visées par la Constitution
française. Recherches sur la constitutionnalité par renvoi, Dalloz, 2007, p. 21.
15. Pour une définition détaillée de la norme juridique, retenue dans l'étude, cf. infra. Seconde
partie, Titre I, Chapitre 1.
16. A. Roblot-Troizier, Contrôle de constitutionnalité et normes visées par la Constitution
française. Recherches sur la constitutionnalité par renvoi, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, 2007.
C'est, par exemple, le cas de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances,
norme de référence de premier rang dans le contrôle des lois de finances notamment. Sur ce point,
cf. infra, § 265. Cf. également, B. Mathieu et M. Verpeaux, « Les normes de référence extra
constitutionnelles dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Constitution et finances
publiques. Études en l'honneur de Loïc Philip, Economica, 2005, pp. 155 à 170.
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