Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 153 - Les normes de concrétisation dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel - 314

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LES NORMES DE CONCRÉTISATION DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles, le
Conseil constitutionnel procède à l'énoncé d'un considérant de principe destiné
à assurer l'effectivité des droits et libertés. Il met à la charge du législateur une
obligation d'agir, reposant sur une interprétation finalisée de l'article 34 de la
Constitution et dévoilant la fonction positive des droits et libertés consacrés par
les textes constitutionnels. »117
Cette norme de concrétisation est donc une « obligation d'agir » imposée par
le Conseil constitutionnel. Elle a pour destinataire le législateur, représentant ici
l'acteur. Ce législateur doit adopter des dispositions législatives, représentant l'action. Ces dispositions doivent garantir les exigences constitutionnelles, représentant alors les champs d'application et de réglementation. Par ailleurs, une fois ces
garanties mises en place, le législateur ne doit pas les remettre en cause, ce qui
constitue une deuxième partie de l'action. L'habilitation est ici double : elle habilite le législateur tout en habilitant le Conseil constitutionnel lui-même.
332. L'habilitation du législateur donne une compétence à ce dernier : adopter des normes qui sont des garanties des exigences constitutionnelles, tout en
encadrant cette compétence. C'est d'abord au législateur qu'il revient d'établir les
garanties des exigences constitutionnelles ; le Conseil constitutionnel ne fera que
contrôler la protection de ces garanties. Comme l'explique M. Michel Verpeaux,
« à la différence de l'incompétence négative, qui sanctionne une répartition inconstitutionnelle des compétences, le recours aux garanties légales des exigences constitutionnelles condamne l'exercice insuffisant de ce pouvoir. Les dispositions législatives
ne sont pas examinées du point de vue de leur auteur mais du point de vue de leur
contenu, insuffisant pour assurer l'effectivité des droits et libertés »118. Plus encore,
en expliquant que le législateur ne peut priver de garanties légales les exigences
constitutionnelles, le Conseil constitutionnel érige ces garanties, qu'il appartient
au législateur de prendre, en normes de référence. La norme de concrétisation
habilite alors le législateur à édicter des dispositions qui seront des garanties
légales des exigences constitutionnelles et, par là, deviendront des normes de référence, quand l'article 34, norme de référence, n'en fait absolument pas mention.
La norme de concrétisation crée donc une règle nouvelle. Avec M. Grégory
Mollion, l'on peut constater que « le rôle du législateur est donc enrichi, bien que
contrôlé »119. Il y a une habilitation, c'est-à-dire que sans cette intervention du
Conseil constitutionnel, par la norme de concrétisation, le législateur prendrait
certes des mesures législatives, mais elles n'auraient pas la même fonction : servir
de fondement au contrôle de futures dispositions législatives. En effet, c'est par
l'habilitation du juge constitutionnel que les garanties légales deviennent des
normes de référence. Or, il n'est pas de coutume que le législateur ordinaire soit
habilité à élaborer des normes de référence. Si l'on conçoit que c'est le cas du
législateur organique - l'on pense ici, par exemple, à l'élaboration des lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité
sociale - il n'en est pas de même pour le législateur ordinaire. En permettant au
législateur d'établir des normes de référence, la norme de concrétisation participe
117. A. Vidal-Naquet, Les « garanties légales des exigences constitutionnelles » dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Éd. Panthéon-Assas, 2007, pp. 281-282.
118. M. Verpeaux, Préface à la thèse d'A. Vidal-Naquet, Les « garanties légales des exigences
constitutionnelles » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Éd. Panthéon-Assas, 2007, p. 7.
119. G. Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », RFDC, 2/2005
(n° 62), pp. 257 à 289, spéc. p. 261.

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