Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 153 - Les normes de concrétisation dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel - 336

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LES NORMES DE CONCRÉTISATION DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

mission du contrôle des normes »49, la Cour constitutionnelle turque adoptait déjà
une règle exprimée plus tard par la Cour constitutionnelle belge selon laquelle il ne
lui « appartient pas (...) d'apprécier si une mesure établie par la loi est opportune ou
souhaitable. C'est au législateur qu'il revient de déterminer les mesures à prendre pour
atteindre le but qu'il s'est fixé, à condition qu'elles ne soient pas disproportionnées par
rapport à celui-ci »50. De la même manière, à propos du contrôle des délégations du
Parlement au Conseil fédéral, le Tribunal fédéral suisse affirme que lorsque « la
norme de délégation accorde un large pouvoir d'appréciation au Conseil fédéral, le
Tribunal fédéral est lié à cet égard. Il ne peut pas substituer sa propre appréciation à
celle du Conseil fédéral, mais doit seulement vérifier que l'ordonnance en cause ne
sorte pas manifestement du cadre de la délégation de compétence prévue par la loi ou
n'apparaisse pas, pour d'autres raisons, contraire à la loi ou à la Constitution »51. Par
ailleurs, il « doit se borner à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser
objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier, de savoir si elle
constitue le moyen le mieux approprié pour atteindre ce but »52. Son contrôle est restreint et se réduit à celui de l'erreur manifeste. Il importe alors ici que le juge ne
s'attache pas à vérifier si le but que s'est fixé le législateur aurait pu être atteint par
un autre moyen, considéré comme plus approprié. Le Conseil constitutionnel français adopte, lui aussi, une telle démarche. Il a déjà pu soutenir ce point de vue dans
les termes suivants : « Considérant que le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir
général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne
saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être
atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas
manifestement inappropriées à l'objectif visé »53. Cette affirmation fait alors suite à
la formulation expresse de la norme de concrétisation qui lui impose de ne pas
confondre son pouvoir d'appréciation avec celui du législateur. L'intervention du
juge constitutionnel français, restreinte au cas de l'erreur manifeste, est commune
avec le juge constitutionnel belge. Selon ce dernier, il « ne peut critiquer le choix
opéré par le législateur que si les distinctions qui résultent de la loi sont manifestement
arbitraires ou déraisonnables »54. Parallèlement, le Conseil constitutionnel précise
« qu'il ne lui appartient pas (...) de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la gravité des peines attachées aux infractions définies par
celui-ci » et, qu'en l'espèce concernée, « aucune des dispositions pénales de la loi n'est
manifestement contraire au principe de nécessité des peines et que le moyen n'est pas
fondé »55. En outre, dans une décision bien postérieure à la précédente, après avoir
49. Cour constitutionnelle turque, arrêt du 23 juin 1989, Resim Gazete (Journal Officiel) n° 20302
du 4 octobre 1989, pp. 11 et s., cité par C. Grewe et Ch. Rumpfin « La Cour constitutionnelle turque
et sa décision relative au "foulard islamique" », RUDH, vol. 3, n° 4, 1991, p. 113.
50. Cour d'arbitrage belge, arrêt 9/2004 du 21 janvier 2004 (B.11). Ce principe est mis en œuvre
par la Cour depuis de nombreuses années, cf., par exemple, l'arrêt n° 72/93 du 7 octobre 1993 (B.2.3).
51. Tribunal fédéral suisse, 140 V 485, arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause Office fédéral
des assurances sociales contre A. (recours en matière de droit public) du 2 décembre 2014, cons. 2.3.
52. Tribunal fédéral suisse, 136 V 24, arrêt de la IIe Cour de droit social du 10 décembre 2009
dans la cause Caisse suisse de compensation contre J., cons. 7.1.
53. Décision n° 2014-456 QPC du 6 mars 2015, Société Nextradio TV (Contribution exceptionnelle
sur l'impôt sur les sociétés - Seuil d'assujettissement), cons. 8.
54. Cour d'arbitrage belge, arrêt 3/95 du 2 février 1995 (B/7). Dans le même sens, voir un arrêt
comparable n° 5/2001 du 25 janvier 2001 (B.6.4.2).
55. Décision n° 84-176 DC du 25 juillet 1984, Loi modifiant la loi du 29 juillet 1982 sur la
communication audiovisuelle et relative à certaines dispositions applicables aux services de communication
audiovisuelle soumis à autorisation, cons. 10.

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