Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 153 - Les normes de concrétisation dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel - 50

LES NORMES DE CONCRÉTISATION DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

trois degrés de normes, à savoir les dispositions constitutionnelles écrites, les
normes de référence découlant d'une première interprétation du juge constitutionnel ainsi que les normes de concrétisation, résultat de l'interprétation directe des
dispositions écrites, premier degré de norme, ou de l'interprétation des normes de
référence, normes de deuxième degré. Une précision terminologique est ici nécessaire. L'utilisation de l'expression « degré de norme » renvoie au résultat des différents niveaux d'interprétation opérés par le juge constitutionnel. Il ne s'agit pas, à
ce stade de l'analyse, de la démonstration d'une hiérarchie entre ces différents
degrés2, ni d'une référence à la qualification des normes comme primaires ou
secondaires3. Dans ce processus interprétatif, opéré par le Conseil constitutionnel,
une première phase consiste à dégager de nouvelles normes de référence découlant
de la disposition écrite (A). Une deuxième phase peut tenir en la création de normes
de concrétisation permettant la mise en œuvre de la norme de référence (B).
A. DE LA DISPOSITION CONSTITUTIONNELLE ÉCRITE
À UNE NORME DE RÉFÉRENCE
38. Il ne sera pas adhéré ici à l'affirmation de M. Loïc Philip qui, en 1979,
précisait que « la Déclaration de 1789, le Préambule de 1946 n'auraient pas vraiment
valeur constitutionnelle mais seraient considérés comme des sources d'inspirations
pour le juge constitutionnel lui permettant de dégager les principes fondamentaux
ayant valeur constitutionnelle »4. Cette affirmation peut être nuancée. En effet, il
n'est nullement question aujourd'hui de contester la valeur constitutionnelle de ces
deux textes. En revanche, il est exact qu'ils constituent des sources d'inspiration
pour le Conseil constitutionnel. Ce dernier use d'un pouvoir créateur lorsqu'il utilise ces textes comme fondement pour en dégager des principes à valeur constitutionnelle. Le juge décide alors d'interpréter les dispositions textuelles pour élaborer
de nouvelles normes de référence du contrôle de constitutionnalité. Lorsqu'il interprète des dispositions constitutionnelles, la valeur constitutionnelle des principes
qui en résultent ne découle que de la valeur des textes qui en sont à l'origine. Ainsi,
le juge constitutionnel dispose, pour opérer le contrôle de constitutionnalité des
lois, de textes écrits à valeur constitutionnelle, dont font partie la Déclaration de
17895 et le Préambule du 1946 ; ces dispositions écrites sont des normes de référence
du contrôle de constitutionnalité, qui constituent des normes de référence de premier degré. Il s'« inspire » de ces textes, en les interprétant, pour dégager de nouveaux principes, normes de référence du contrôle de constitutionnalité, qui sont des
normes de référence de deuxième degré : cela constitue le premier niveau d'interprétation. Il faut bien distinguer ce que l'on entend par degré de norme et ce que l'on
entend par niveau d'interprétation. L'interprétation constitue le processus qui va
mener d'un degré de norme à un autre degré de norme. Les degrés de norme sont
2. Sur la question de la hiérarchie entre normes de référence et normes de concrétisation,
cf. infra. Seconde partie, Titre I, Chapitre 2.
3. Sur l'inscription des normes de concrétisation dans l'opposition entre normes primaires et
normes secondaires, cf. infra. Seconde partie, Titre I, Chapitre 2, Section 2, § 2.
4. L. Philip, « La valeur juridique de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du
26 août 1789, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Études offertes à Pierre Kayser,
Tome II, PUAM, 1979, pp. 336-337.
5. Sur l'interprétation, par le juge constitutionnel, de la Déclaration de 1789, cf. notamment
V. Champeil-Desplats, « La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, source de principes
implicites : "La révolution permanente" », in S. Caudal (dir.), Les principes en droit, Economica,
coll. Études juridiques, 2008, pp. 161 à 174.

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