Revue Droit & Littérature - N°4-2020 - 360

Variétés
Comme la poésie donc, « le droit reste un art du tourné vers le concret. Son objectif est de
parvenir à des solutions judiciaires... autant que possible adaptées aux singularités de chaque cas.
Toute la procédure judiciaire est organisée dans le dessein de conduire le juge à une vue concrète
de chaque cause. »20. Combien la poésie de Jean Follain n'est-elle pas tournée vers l'accident et le
particulier, combien ne s'attache-t‑elle pas au singulier ?
Eugène Guillevic définit ainsi l'art poétique de son ami : « Précisément, il m'apparaît que les
poèmes de Follain sont des constats ou, mieux, des mises en équation de l'accident »21.
Cette mise en équation, c'est, il nous semble, l'intégration de l'accident dans l'ordre de l'univers,
l'intégration de l'événement dans la longue durée du monde : « C'est ainsi que l'enfant, voyant
les vieilles ruches de paille, évoque les huttes gauloises représentées dans son Histoire de France »22.
La justice elle-même, et le travail de juge, ont pu ramener le magistrat Follain à la longue durée et
à la poésie : « Si la justice fulgure aux grandes causes, elle a aussi son train-train journalier, son allure
de vieille dame, elle subit aussi de longues heures avec parfois la diversion d'un rayon de soleil qui,
sourdant des nuages, entre dans le prétoire, ou celle de la grêle qui brusquement tambourine dans
les hautes vitres. »23.
La mise en équation dont parle Eugène Guillevic, c'est aussi l'intégration de l'événement dans
l'éternité, par laquelle ce qui semble un écart dans le développement de cet ordre ne s'en révèle
finalement qu'un point saillant. « Par le poème, vivre cette rencontre, l'accident, où l'univers se proclame, se déclare. Accident produit par des besoins de l'univers, par des lois (quelles différences ?) »24.

B. Délimiter
1. Une poésie de constatation
Jean Follain considère lui-même que sa poésie est une « poésie de constatation » et cela doit,
à notre sens, renvoyer à l'étymologie du mot, le verbe latin stare, tenir et être, être en tenant, qui
convient particulièrement au développement et à l'organisation de ses poèmes en vers. Le poème
en vers est en effet le lieu et le moyen de cette constatation, lui dans lequel et par lequel voisinent
puis se mêlent divers évènements, diverses durées, divers lieux disant à quoi tient, sur quoi tient,
la vie de l'homme sur terre.
Bien plus, le poème, dans sa verticalité est le lieu d'ordonnancement, de rangement pourrait-on
dire tant Jean Follain avait un grand intérêt pour les inventaires, catalogues, étagères et rayons
d'épicerie, de ces divers évènements. Pour user d'une image géologique, le poème semble une
coupe de terre, d'une terre mêlant par strates divers types de sols et diverses durées.
20.  Villey Michel, op. cit., p. 57.
21.  Guillevic Eugène, « Jean Follain » in Jean Follain, La Nouvelle Revue Française, n° 222, juin 1971, p. 6.
22.  Tout instant, poèmes en prose, Gallimard, 1957, rééd. 1999, p. 13.
23.  « Le vagabond de la dixième chambre », in Le magasin pittoresque, préface de H. Labrusse, dessins de Jean Follain, Thaon, éd.
Amiot. Lenganey, coll. « Essais », 1991, p. 36.
24.  Guillevic Eugène, « Jean Follain » in Jean Follain, La Nouvelle Revue Française, n° 222, juin 1971, p. 6.

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Droit & Littérature - Numéro 4

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