Contextes - Approches culturelles des savoirs juridiques - 150

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Le latin dans la culture juridique	

conformément aux transformations de la culture secondaire et au déclin
de la rhétorique latine138. La culture des juristes, marquée au xixe siècle
par le passage progressif de l'hétéronomie (la culture juridique prolonge
le socle de l'enseignement secondaire) à l'autonomie (le droit s'affirme
comme une science autonome et spécialisée), transforme le savoir juridique
en savoir scientifique, spécialisé et détaché du discours profane. Si cette
dimension n'est pas nouvelle chez les juristes, pour lesquels le modèle
romain sert depuis longtemps à affirmer leur spécificité139, elle conduit à
dissocier la fonction d'enseignement et la pratique judiciaire. La réduction des communautés savantes juridiques aux universitaires fait éclater
le « monde judiciaire »140 qui associait magistrats, avocats et professeurs et
réduit la place du latin au sein du barreau. La culture juridique scientifique,
quant à elle, promeut les diverses disciplines du droit, parmi lesquelles le
droit romain n'occupe plus qu'un espace réduit, au lieu de constituer le
savoir fondamental partout sous-jacent - de même que le latin est devenu
une discipline comme une autre141.

V - DU LATIN JURIDIQUE À LA DÉFENSE
DE LA LATINITÉ JURIDIQUE AU XXE SIÈCLE
La contestation globale de la place du latin dans la culture éducative
à la fin du siècle aboutit à dissocier définitivement la culture juridique
universitaire et la culture scolaire d'une part, la culture juridique et le
droit romain d'autre part. L'ouvrage de R. Frary met au premier plan la
« question du latin » dans les années 1880142, livrant une critique globale
de la place du modèle antique dans l'enseignement secondaire et supérieur. Sa position est simple : il veut supprimer les langues anciennes du
programme de l'enseignement secondaire143, en raison de leur inadéqua138. Sur cette évolution, G. Genette, « Enseignement et rhétorique au xxe siècle », Annales.
ESC, 1966, n° 21, pp. 292-305 ; A. Chervel, « Le baccalauréat et les débuts de la dissertation
littéraire (1874-1881) », Histoire de l'éducation, 1988, n° 38, pp. 59-119.
139. Cf. A. Schiavone, Ius. L'Invention du droit en Occident, Paris, Belin, 2008.
140. Selon la terminologie, inspirée d'Howard Becker, utilisée par G. Sacriste, La
République des constitutionnalistes, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 29.
141. Sur ce processus, F. Hartog, Partir pour la Grèce..., op. cit., pp. 49-68.
142. R. Frary, La Question du latin, op. cit. L'ouvrage suscite de nombreuses répliques,
dont celle du doyen de la faculté de lettres de Lyon, G.-A. Heinrich, Le Procès du latin.
Observations sur l'ouvrage de M. Raoul Frary, Paris, Leroux, 1886. Cf. Ph. Cibois, « La
critique du latin au xixe siècle », La Question du latin, 6 février 2011, URL : enseignementlatin.hypotheses.org/2123.
143. R. Frary, La Question du latin, op. cit., p. 97.
http://latin.hypotheses.org/2123
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