Contextes - Approches culturelles des savoirs juridiques - 16

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La culture juridique : combien de divisions ?	

dehors d'elle, avec tout ce que cela peut avoir de discriminant et d'exclusif
(au sens propre du terme) ; la culture dans ce qu'elle a de potentiellement
conformiste27.
Si la culture est un objet, elle est aussi (surtout) un rapport : à soi, aux
autres, au monde. Toute culture s'élabore en effet dans les discours et les
pratiques au travers desquels les membres d'un groupe vivent et réfléchissent
leur rapport au monde, aux autres et à eux-mêmes ; c'est donc bien aux idées
d'ouvertures, de circulations, d'échanges que la notion de culture juridique
fait écho. Et c'est justement ce sur quoi insistent F. Audren et J.-L. Halpérin
dans La culture juridique française. Mythes et réalités. Le terme de culture
juridique y est défini de manière volontairement minimaliste comme « un
ensemble de valeurs, de savoirs et de savoir-faire qui orientent, donnent
sens et cohérence aux activités des différents professionnels du droit », le
but de l'analyse des cultures juridiques de ces professionnels étant alors
« d'interpréter des pratiques et des discours qui accompagnent l'application et la transmission des règles de droit » (p. 8). Le singulier du titre de
l'ouvrage ne doit pas tromper : F. Audren et J.-L. Halpérin appréhendent en
effet les formes du droit à travers une pluralité de cultures juridiques, celles
qui sont propres à chaque groupe de juristes (professionnels du droit, praticiens et enseignants), dont les discours, les pratiques et les manières d'être
diffèrent, mais dont les échanges et les influences réciproques nourrissent
des visions de la culture juridique française. En vertu de quoi le singulier
du titre est d'emblée nuancé par les pluriels du sous-titre (mythes, réalités),
qui neutralisent la vision patrimoniale souvent associée au terme de culture
juridique et révèlent la dimension construite de ce qui est en somme un
processus en perpétuelle évolution. C'est précisément cette variété qui fait
la richesse de cet ouvrage (couronné par le prix Koenigswarter de l'Académie des sciences morales et politiques), lequel a provoqué depuis lors
une sorte de mouvement collectif de recherches tous azimuts dans lequel
nous sommes donc encore pris.
4. On lira ici le très intéressant retour d'expérience que F. Audren et
J.-L. Halpérin font de la réception de leur ouvrage à l'époque de sa parution ; en répondant à quelques-unes des remarques qui leur ont été faites,
27. Les débats actuels autour de la pop culture en droit (en particulier pour ses vertus pédagogiques) viennent singulièrement ébouriffer cette conception patrimoniale de la culture
(ex. J.-C. Roda, « Droit et pop'culture », Gazette du Palais, 14 mai 2019, p. 3). Pour une
critique de la culture officielle en art, J. Dubuffet, Asphyxiante culture, éd. Minuit, 1986
(1re éd. 1968). Pour reprendre un propos de J. Miaille, « il n'y a de culture que liée à un esprit
libre, c'est-à‑dire un esprit critique » (« Les figures de la modernité dans la science juridique
universitaire », Pour une critique du droit, PUG-Maspero, 1978, p. 145).
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