Contextes - Approches culturelles des savoirs juridiques - 202

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La culture juridique sous la révolution	

Parce que la Révolution a bouleversé le monde juridique bien au-delà de
la simple organisation judiciaire, l'ancienne jurisprudence ne sera d'ailleurs
plus d'une grande utilité pour les juges modernes : « D'après la suppression de la Féodalité, d'après les changements déjà décrétés dans nos Loix
criminelles, et même dans nos Loix civiles, il est une infinité d'objets pour
lesquels les ouvrages des anciens Jurisconsultes et Arrêtistes ou ne donneroient aucune notion, ou n'en donneroient que d'incomplettes (sic.) ». La
Gazette se veut donc le média de ce droit positif régénéré, « à une époque
surtout où l'on s'avisera moins que jamais pour faire l'éloge des autorités,
de compter les siècles dont elles datent »8.
Bien qu'enthousiastes, les propos introductifs de Jauffret révèlent
déjà une tension qui ne fera que croître au fil du temps dans son journal.
Accueillant avec espoir les réformes judiciaires et juridiques de la
Révolution, l'ancien avocat ne peut toutefois se résoudre à sacrifier toute
idée de savoir et de savoir-faire juridiques, autrement dit, toute culture juridique9. Alors que le pouvoir légicentriste et nomophile rejette l'existence
même d'une jurisprudence des tribunaux10, Jauffret estime au contraire
qu'il faut encourager le développement de cette dernière, en la publiant et
en la diffusant dans les journaux.
L'époque force pourtant au renoncement : « puisque la jurisprudence
nous quitte, je m'en consolerai avec la littérature, et je n'en perdrai rien
au change », écrivait l'avocat Portalis en août 179011. En effet, le discours
8. Id.
9. Nous choisissons ici volontairement une définition particulièrement large et ouverte
de la culture juridique. V. dans ce sens G. Rebuffa, « culture juridique », in A.-J. Arnaud
(dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, LGDJ, 2e éd.,
1993, pp. 139-142 : la culture juridique est notamment définie comme « l'ensemble des techniques d'exposition et d'interprétation employées par les opérateurs du droit - au niveau
tant technique que théorique -, et l'ensemble des idéologies correspondant à la fonction
de droit que ces techniques expriment », mais aussi comme « l'ensemble des valeurs, des
principes, des idéologies relatives au droit, des connaissances liées au vocabulaire propre
aux professions juridiques ».
10. Selon le mot célèbre de Robespierre, « ce mot jurisprudence des tribunaux, dans l'acception qu'il avait dans l'ancien régime, ne signifie rien dans le nouveau, il doit être effacé
de notre langue. Dans un État qui a une constitution, une législation - la jurisprudence
n'est autre chose que la loi, alors il y a identité de jurisprudence ». V. C. Grzegorczyk,
« Jurisprudence : phénomène judiciaire, science ou méthode ? », Archives de Philosophie
du Droit, t. 30, 1985, p.  41 ; J.-L. Halperin, « Haro sur les hommes de loi », Droits, Revue
française de théorie, de philosophie et de cultures juridiques, n° 17, 1993, pp. 55-65.
11. Cit. par X. Martin, « Le droit privé révolutionnaire : essai de synthèse », Conférence
à la Cour de cassation du 11 octobre 2005, http://www.courdecassation.fr/IMG/File/intervention_xavier_martin.pdf, p. 5.
http://www.courdecassation.fr/IMG/File/inter
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