Contextes - Approches culturelles des savoirs juridiques - 204

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La culture juridique sous la révolution	

Rousseau présentait volontiers comme un « fatras »16, doit naturellement
disparaître. Le droit est désormais affaire de politique et de philosophie, et
pour le conventionnel Florent-Guiot, le temps est bientôt venu où « une
page suffira » à contenir l'ensemble des lois civiles et criminelles du pays17.
En somme, c'est toute la culture juridique avec son histoire et ses institutions, sa science et ses pratiques, ses professionnels et sa littérature, qui est
mise au ban du nouveau projet social.
Déclassés professionnellement, dépouillés de leurs pouvoirs et de leurs
atours, les juristes traversent alors une crise que l'on pourrait - à tout le
moins - qualifier d'existentielle. Dans ce contexte, la Gazette des nouveaux
tribunaux apparaît comme un espace privilégié d'expression et de représentation pour les juristes qui s'interrogent sur leur identité, mais aussi sur
les pratiques et les savoirs juridiques à l'heure révolutionnaire.
S'il n'est à aucun moment ouvertement exprimé, le « projet éditorial »
de la Gazette des nouveaux tribunaux consiste clairement à valoriser et à
réajuster le savoir et le savoir-faire des Hommes de loi, ainsi qu'à replacer
les juristes au cœur d'un processus juridique dont ils sont officiellement
exclus. Jauffret ne cherche pas à sauver la science ou les Corps juridiques
de l'Ancien Régime, mais à réintroduire les juristes et le juridique dans
l'univers hyper politique et légicentré de la Révolution.
Pour cela, c'est d'abord vers le Palais que se dirigent ses principales
attentions. En effet, lors des audiences, la loi est discutée, débattue, polie
et affinée ; autrement dit, c'est au Palais qu'elle est « prise en charge par le
savoir technique des Hommes de loi »18. En proposant de recueillir chaque
semaine les principaux jugements du pays, le journal de Jauffret diffuse
et sur leurs programmes souvent novateurs entre droit et sciences sociales, v. notamment
H. Hayem, La renaissance des études juridiques en France sous le Consulat, L. Larose
et Forcel, Paris, 1905 ; G. Thuillier, « Aux origines de l'École libre des sciences politiques : l'Académie de législation en 1801-1805 », Revue administrative, 1985, pp. 23-31 ;
F. Audren, Les juristes et les mondes de la science sociale en France : deux moments de la
rencontre entre droit et science sociale au tournant du xixe siècle et au tournant du xxe siècle,
thèse dactyl., 2005.
16. J.-J. Rousseau, Du contrat social ou principes du droit politique, Œuvres complètes de
Jean-Jacques Rousseau, nouvelle édition, t. 8, Paris, Poinçot, 1790, p. 370.
17. J.-L.  Halpérin, « Haro... », op.  cit., p. 63 ; « discours de Florent-Guiot du
3 brumaire an II », in J. Mavidal et E. Laurent, Archives parlementaires de 1789 à 1860,
t. LXXVII, Paris, Librairie administrative de Paul Dupont, 1875, p. 482.
18. L'expression est de D. Baranger, Penser la loi, essai sur le législateur des temps
modernes, Paris, Gallimard, coll. L'Esprit de la cité, 2018, p. 21.
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