Contextes - L’histoire de l’édition juridique (XVIe-XXIe siècle) - 254

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LeS RôLeS De L'IMAGe DANS L'IMPRIMÉ JuRIDIQue
juristes et imprimeurs humanistes proposent plusieurs solutions iconographiques
ingénieuses, dont les montages doivent être interrogés. Comme le
dit explicitement le liber de gradibus, le principe généalogique exige l'ordre
poétique des images. Pourquoi choisir cette représentation sous forme de
stemmata plutôt qu'un autre mode de représentation ? Comment justifier le
coût important de telles compositions iconographiques ? S'agit- il de servir
d'aide à la compréhension du texte de droit, de prouver ou de persuader, de
proposer un montage symbolique relevant des arts de mémoire ? S'agit- il,
plus radicalement, de proposer un modèle iconographique du calcul du
comput qui s'affranchisse des lectures traditionnelles de ce titre ?
L'enjeu, on le voit, va bien au- delà de la mise en forme des savoirs,
l'exégèse réformée de la notion de stemma propose un modèle bien différent
des arborescences qui inscrivent la représentation de la consanguinité
dans le corps humain de l'empereur (Fig. 16). La refonte de l'illustration
du droit du comput dans les années 1530-1600 correspond à un renouvellement
important des méthodes d'exégèse du droit et la place donnée à
l'image mérite un examen de détail, dans la mesure où elle sert, dans le cas
de Pierre Loriot et de François Hotman, des ambitions réformistes voire
réformatrices16
.
Les figures proposées par Pierre Loriot et Sébastien Gryphe ne sont
pas toutes des arbres. Parmi la série des dix bois de l'ouvrage, trois cas
sont à différencier : les arbores qui ressemblent en effet à des arbres, les
arbores qui sont figurés sous forme de diagrammes (arcs, maisons...) et
enfin les figures dont la désignation est explicite roue (rota), écu (scutum),
ou implicite (catafalque). La tradition des arbores juris propose depuis
le ixe
siècle des diagrammes terminologiques de l'ensemble théorique des
membres de la parentèle cognatique d'ego (arbres de consanguinité) ou de
son groupe d'affins (arbres d'affinité), à l'intérieur duquel toute alliance
matrimoniale est proscrite. or les arbores des juristes ne ressemblent guère
à des arbres. D'une complexité grandissante depuis la grande efflorescence
de commentaires des canonistes médiévaux eux- mêmes, le calcul du comput
alimentait régulièrement de perplexités et d'incertitudes la multiplicité des
interprétations autorisées. Le comput était par ailleurs un des maillons les
plus sensibles par lesquels l'Église contrôlait les alliances matrimoniales,
tandis que le comput civiliste réglait avant tout l'ordre des successions et
des tutelles. L'originalité du commentaire de Pierre Loriot (54 pages in- folio
16. Voir V. Hayaert, « Arbres de parenté et stemmata juris dans le commentaire au De
gradibus affinitatis de Pierre Loriot, Lyon, Gryphe, 1542 » in Bourges à la Renaissance,
hommes de lettres, hommes de lois, éd. Stéphan Geonget, Klincksieck, 2010, p. 333-342, sur
le cercle de Pierre Loriot et les raisons pour lesquelles Calvin le traite de « scélérat ». Les
juristes Pierre Loriot, Matteo Gribaldi (dit Mopha) et Antonio Govéa ont formé, à Valence,
une académie de droit dont l'histoire reste à écrire. Tout porte à croire que ces trois juristes
ont eu, outre leurs sympathies pour la Réforme, une carrière heurtée en raison des guerres
civiles qui ont alors brisé d'anciennes solidarités.

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