Contextes - L’histoire de l’édition juridique (XVIe-XXIe siècle) - 52

44 HISToIRe De L'ÉDITIoN LÉGISLATIVe À L'ÉPoQue MoDeRNe
livre et de l'édition, mais aussi d'histoire institutionnelle : connaître quels
textes la monarchie imprime elle- même et dans quelle proportion serait
un révélateur intéressant des priorités législatives du pouvoir royal. La
rapide cartographie effectuée à partir du catalogage des recueils factices
semble montrer que, jusqu'à la Révolution, les imprimeurs- libraires privés
continuent à jouer un rôle décisif pour l'édition législative, rôle qui s'est
transformé au cours de l'époque moderne en relation avec l'emploi par les
institutions monarchiques du privilège de librairie.
C'est par ce biais qu'avant même la création de l'Imprimerie royale, les
pouvoirs publics deviennent un acteur de l'édition législative. Les institutions
chargées de la diffusion et de l'enregistrement de la loi, peuplées de
juristes - qui interviennent alors ici dans le processus éditorial -, vont se
servir du privilège de librairie pour organiser l'édition des actes royaux.
L'étude des recueils factices d'actes royaux de la BnF permettrait ainsi de
connaître les transformations du secteur à partir du milieu du xvie
siècle.
Du règne de Charles VIII à celui d'Henri II, on observe une institutionnalisation
progressive des acteurs du marché des lois imprimées, à travers le
recours au privilège du roi ou des juridictions. Alors que dans les premiers
temps de l'imprimerie, le privilège découle d'une démarche volontaire de la
part des libraires et des imprimeurs, qui demandent aux pouvoirs publics
de leur conférer un monopole temporaire leur permettant de rentabiliser
leur investissement, le privilège est récupéré par la monarchie, au cours
de la décennie 1530, pour s'assurer le contrôle de ces publications. Le
phénomène ne cesse alors de s'intensifier pour aboutir en 1561 à la délivrance
du premier privilège général pour l'impression des actes royaux, que
Charles IX octroie à Robert II estienne (v. 1530-1571). Quelques années
plus tard, l'édition de la loi est encore transformée par une évolution générale
du marché du livre, à savoir l'obligation instaurée en 1566 pour toute
publication de bénéficier d'un privilège de librairie. Ce mécanisme est alors
devenu un moyen de censure au service de la monarchie dans le contexte
de confrontation idéologique des guerres civiles de la seconde moitié du
xvie
siècle. L'analyse des recueils factices d'actes royaux permettrait d'étudier
en détail ces privilèges pour les xviie
et xviiie
siècles et de comprendre
ainsi les stratégies mises en place par les pouvoirs publics et les imprimeurslibraires,
dans un domaine aussi sensible que celui de la législation.
C'est là la troisième et dernière piste envisagée, celle des enjeux de
l'édition juridique. Il s'agit tout d'abord d'un enjeu commercial, qui vient
d'être rapidement évoqué au sujet des privilèges. en effet, à l'origine, l'objectif
direct du privilège d'impression n'est pas de contrôler le contenu du
texte imprimé, mais de défendre une activité naissante et encore fragile. Si
l'utilisation qu'en fait la monarchie se transforme, il n'en reste pas moins
qu'un privilège de librairie confère à un imprimeur- libraire un monopole
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