Hors collection - Droit civil japonais : Quelle(s) réforme(s) à la lumière du droit français ? - 233

	

Yusuke abe	217

n'était pas une simple créance monétaire. La « rente foncière » était une
sorte de droit de percevoir le loyer de l'héritage comme droit féodal de
cens9, et elle était appliquée à l'opération financière ; d'où la dénomination
de rente constituée10. Dans cette opération, le propriétaire d'un héritage
(débi-rentier) constitue une rente au profit d'autrui (crédit-rentier) en
contrepartie d'un capital, et par conséquent lui paye les arrérages comme
les intérêts. La constitution d'une rente est faite par « assignation11 » de
l'héritage à la rente, et elle a le même effet que la rente foncière à l'égard
de l'héritage assigné. En conséquence, le détenteur de l'héritage assigné est
obligé personnellement12 (c'est-à‑dire, avec tous ses biens soumis à l'exécution13) de payer les arrérages. Il peut d'ailleurs s'exonérer de l'obligation
de payer les arrérages à l'avenir en renonçant à l'héritage assigné, ce qui
s'est appelé le délaissement par hypothèque en cas de rente constituée14.
Alors, le débi-rentier lui-même est obligé personnellement sans assignation,
c'est-à‑dire par contrat de rente, de sorte que c'est le tiers acquéreur qui
est obligé personnellement comme détenteur à la suite de l'assignation15.
Le droit de suite dans la Coutume de Paris était donc une obligation
personnelle du tiers acquéreur à la base de l'assignation et par conséquent
susceptible de l'exonération à l'avenir en cas de délaissement.

2.	L'hypothèque chez Loyseau : l'affectation de l'héritage
Pourtant, la Coutume de Paris a été fortement critiquée par Loyseau. Il
a prétendu que le délaissement devait exonérer le tiers acquéreur de tous
les arrérages, même dus pendant sa détention.

plus fréquentes & aduantageuses hypothèques de la France » nous montre que la notion
de la rente constituée a initialement comporté non seulement la créance garantie mais aussi
l'hypothèque qui la garantit.
9. F. Olivier-Martin, Histoire de la coutume de la Prévôté et Vicomté de Paris, t. 1,
Paris, 1922, p. 442. Loyseau, op. cit., livre I, chapitre V, n° 3 et n° 7 présente le cens comme
une sorte de rente foncière.
10. Loyseau, op. cit., livre II, chapitre VI, n° 12.
11. Loyseau, op. cit., livre I, chapitre III, n° 16 présente la relation entre un fief et une
rente foncière par le mot « asignee ». Id., livre II, chapitre VI, n° 12 emploie le même mot
pour la rente constituée avec « assignat » d'un fond. Id., livre II, chapitre VI, n° 15 constate
que le même régime a été appliqué à la « rente volante », c'est-à‑dire la rente constituée sans
« assignat ».
12. Art. 100 de la nouvelle Coutume de Paris (Bourdot de Richebourg, op. cit., p. 38).
13. Loyseau, op. cit., livre II, chapitre VII, n° 4 explique le régime de la rente foncière
en tant que tel.
14. Loyseau, op. cit., livre VI, chapitre VII, n° 2.
15. Loyseau, op. cit., livre II, chapitre II, n° 8-10.
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