Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 70 - Politiques fiscales et douanières en matière d'investissements étrangers en Afrique francophone - 22

POLITIQUES FISCALES ET DOUANIÈRES
EN MATIÈRE D'INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS EN AFRIQUE FRANCOPHONE

des propriétés privées - à l'instar de tout autre bien24. Et dans d'autres25, ils sont une
propriété de l'État26 - par présomption et avant même la connaissance de leur existence sur un territoire donné ou sur un fond quelconque27. Dans cette dernière
conception, l'activité extractive est soumise au respect de plusieurs procédures administratives en fonction de la phase de l'activité : exploration, exploitation ou commercialisation28. Nous analyserons ces concepts - accession, occupation, droit domanial
ou droit régalien - dans l'objectif de démontrer la différence d'enjeux existant entre
les États propriétaires des matières premières et ceux qui ne le sont pas29. L'analyse de
ces conceptions permet de faire un lien avec le droit commun. Ces conceptions sont
bien connues en droit français commun des biens immobiliers. La conception de la
propriété par accession consiste à considérer que le propriétaire du sol demeure propriétaire du sous-sol par simple application du principe selon lequel l'accessoire suit
le principal. Cette pratique a prévalu pendant la période féodale30, la terre appartenant aux féodaux. Elle est encore en vigueur dans quelques territoires du RoyaumeUni. On la trouve aussi dans certains États des États-Unis d'Amérique31. Selon une
telle conception, les matières premières extractives sont donc une propriété privée
n'emportant aucun enjeu étatique. Par ailleurs, elle s'accompagne de grandes inégalités sociales - extrême richesse des propriétaires et extrême pauvreté chez les autres.
7. Cependant, nonobstant le caractère privé de cette propriété, l'État peut
faire valoir l'intérêt général pour nationaliser les minerais stratégiques appartenant à une personne privée, dans le respect des lois en la matière, tant nationales
qu'internationales. C'est l'une des expressions de la souveraineté32.
8. Une autre conception d'appropriation de la terre consiste en l'occupation
ou droit de l'inventeur - droit dit res nullius33 - le premier occupant en est le propriétaire. D'ailleurs, cette conception est toujours observable dans certaines zones
minières en Afrique subsaharienne, notamment en Afrique du Sud34. Analysons
maintenant le droit domanial : il s'agit, cette fois-ci, de considérer que les mines
appartiennent au souverain ou à l'État. Quelques États latino-américains pratiquaient cette conception jusqu'aux années 1980.
24. VERGARA BLANCO Alejandro, « Le problème de la nature juridique de la richesse
minérale », op. cit., p. 169-211.
25. L'article 148 de la Constitution de 2010 du Niger précise à cet effet que « les ressources
naturelles et du sous-sol sont la propriété du peuple nigérien ».
26. C'est le cas dans tous les pays francophones d'Afrique.
27. BANDOKI Serge, Le droit minier et pétrolier en Afrique, Paris, Edilivre, 2008, p. 11.
28. Voir l'article 148 alinéa 2 de la constitution 2010 du Niger qui précise que « la loi détermine
les conditions de leur prospection, de leur exploitation et de leur gestion ».
29. Les enjeux sont totalement différents et les effets aussi sur la structure sociale de l'État concerné :
inégalités sociales marquées par la pauvreté extrême des uns et la richesse extravagante des autres.
30. GRAND Roger, Notes sur la propriété foncière dans le très ancien droit normand, Bibliothèque
de l'École des Chartes, 1953, Vol. 111, n° 1, p. 235-239.
31. DELAHAYE Olivier, « Le foncier agricole et le droit aux États-Unis : des origines de
l'économie institutionnelle au post consensus de Washington », Économie rurale, 2000, Vol. 260, n° 1,
p. 142-147. Même si cet article fait l'analyse du foncier du point de vue agricole, il permet néanmoins
de connaître les enjeux de la propriété foncière aux États-Unis d'Amérique.
32. Voir en ce sens l'article de MEEUS Dominique, La propriété privée de la terre et la
nationalisation de la terre, tiré du Manuel d'économie politique de l'Académie des sciences de l'URSS,
disponible sur www.d-meeus.be/marxisme/manuel/chap14sect07.
33. Expression empruntée au latin qui désigne une chose sans maître. En d'autres termes, une
chose qui n'a pas de propriétaire, mais que l'on peut s'approprier.
34. MARCHAND Jacques, Économie minière en Afrique australe, KARTHALA et IFR, 1996,
p. 37 et s.

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