Bibliothèque de droit social - Tome 78 - Le pluralisme juridictionnel en droit du travail - 72

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LE PLURALISME JURIDICTIONNEL EN DROIT DU TRAVAIL

sont en effet conférés au juge des référés prud'homal en cas d'urgence172, en présence
d'une obligation dont l'existence n'est pas sérieusement contestable173 et pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite174.
39. Pouvoir du juge des référés en cas d'urgence. Le juge des référés peut, dans
tous les cas d'urgence, ordonner les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. L'urgence se matérialise
« lorsque la situation ne peut souffrir d'aucun retard ou lorsque le retard risque
d'entraîner un préjudice irréparable »175. En matière prud'homale, certains font
d'ailleurs remarquer que la jurisprudence considère cette condition toujours remplie, « ne serait-ce qu'en raison des enjeux alimentaires qui président au litige »176.
Si l'absence de contestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté177, le deuxième sous-critère semble viser la préservation du
droit d'action au fond178. Il s'agit donc d'ordonner des mesures préparatoires
utiles au règlement ultérieur du fond de l'affaire. La formation de référé pourrait
à ce titre ordonner la production de pièces ou d'informations détenues par une
partie179. Concernant l'absence de contestation sérieuse, le juge des référés
prud'homal est notamment autorisé à ordonner le paiement d'une somme indûment retenue par un employeur sur le salaire d'un salarié et correspondante à la
fraction d'un préavis non exécuté180.
40. Pouvoir du juge des référés en présence d'une obligation dont l'existence n'est
pas sérieusement contestable. L'article R.  1455-7 du Code du travail prévoit que
lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation,
même s'il s'agit d'une obligation de faire. Il ne doit en réalité exister aucun doute sur
la manière dont cette contestation serait tranchée par le juge du fond. Autrement dit,
l'éventuelle contestation ne doit avoir aucune chance de prospérer181.
Constituent notamment des obligations dont l'existence n'est pas sérieusement contestable et qui peuvent donner lieu à provision, la créance de salaire liée
à des retenues au-delà du temps d'une grève182 ou encore la créance de paiement
de frais de déplacement professionnel qu'un salarié justifie avoir exposés pour les
besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur183. Face à
172. Article R. 1455-5 du Code du travail.
173. Article R. 1455-7 du Code du travail.
174. Article R. 1455-6 du Code du travail.
175. R. Perrot, « L'évolution du référé », in Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Université des
sciences sociales de Toulouse 1981, p. 645.
176. A. Supiot, « Les pouvoirs de la formation des référés », Dr. soc. 1986, p. 535, spéc. p. 536.
177. M.-C. Rivier, « L'évidence et la notion de contestation sérieuse devant le juge des référés »,
Gaz. Pal. 1991, 2, p. 355 : « Il n'y a pas de contestation sérieuse lorsqu'il n'y a pas de doute raisonnable
sur la solution que retiendrait le juge du fond s'il était saisi ».
178. En ce sens : B. Boubli, « Juridictions du travail », J.-Cl. Travail 2009, fasc. 80-10, n° 37.
179. En ce sens : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 644, p. 603.
180. Cass. soc., 28 avr. 1994, n° 90-46.044 : Bull. civ., v, n° 155.
181. A. Supiot, Les juridictions du travail, op.  cit., n°  638 et suiv, p.  595. Ce dernier évoque
notamment l'hypothèse de la contestation relative à la désignation d'un représentant du personnel, qui
faute d'avoir été soulevée à bref délai devant le tribunal d'instance ne pourrait plus faire obstacle à
l'intervention de la formation de référé.
182. Cass. soc., 3 févr. 1993, n° 90-41.665 : Bull. civ., v, n° 40. L'exercice du droit de grève ne peut
donner lieu de la part de l'employeur qu'à un abattement proportionnel à l'arrêt de travail.
183. Cass. soc., 23 sept. 2009, n° 07-44.477, Société Eismann c/ Marcos : Bull. civ., v, n° 204.
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