Bibliothèque de droit public - Tome 317 - Sans domicile fixe et droit - 116

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SANS DOMICILE FIXE ET DROIT

De surcroît, l'effectivité réelle des décisions qui ordonnent le relogement des
personnes prioritaires reste encore en demi-teinte76. Afin de contraindre l'État au
respect de l'obligation qu'il s'impose, le législateur a permis au juge administratif
de prononcer des astreintes77. Ces dernières obéissent néanmoins à un régime
largement dérogatoire de celles prévues par le Code de justice administrative78,
que ce soit au regard de leurs modalités de calcul79 ou de leur destinataire
puisqu'elles sont liquidées au profit d'un fonds public -  le FNAVDL  - et non
des requérants. Ces astreintes n'ont donc pas de vertu compensatoire, ce qui tend
à diminuer leur effet comminatoire et contribue au nombre très élevé de décisions de justice non exécutées80. Il reste alors comme possibilité pour les -personnes
SDF prioritaires de déposer un recours indemnitaire auprès de la juridiction
administrative, distinct du mécanisme DALO81. L'État qui ne reloge pas dans le
délai imparti les personnes déclarées prioritaires commet en effet une carence
fautive susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard du seul demandeur82 en
raison des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de sa
situation. La grande complexité résultant de l'enchevêtrement de ces procédures
76. S'agissant du seul logement, « le nombre de personnes reconnues au titre du Dalo n'ayant pas
accédé à un logement est de 55 089 en 2016. Parmi ces personnes, 23 965 sont en attente depuis plus de 3
ans », COMITÉ DE SUIVI DE LA LOI DALO, Bilan chiffré du droit au logement opposable 20082016, op. cit., 2017, p. 26.
77. Article L. 441-2-3-1 du CCH.
78. Aux articles L.  911-1 et suivants. V. expressément pour une confirmation CE, 10  février
2014, n° 361426 ; L. GAY, « L'astreinte spécifique au DALO exclut l'application de l'article L. 911-4
du CJA », RTDI, 2014, p. 67 ; F. ZITOUNI, « Logement social et droit au logement », op. cit.
79. Celles-ci devant être déterminées en fonction du loyer moyen du type de logement, v. aussi
sur ce point CE, Avis, 2 juillet 2010, Maache, n° 332825 ; S. ROBERT-CUENDET, « Les modalités de
fixation de l'astreinte à l'épreuve de l'exigence d'effectivité du recours contentieux DALO », AJDA,
2010, p. 1948 ; F. ZITOUNI, « Droit au logement opposable, astreinte, mode d'emploi », La semaine
juridique administrations et collectivités territoriales, 18 octobre 2010, n° 42, 2305.
80. C'est d'ailleurs l'absence de proposition de relogement à une personne reconnue comme
prioritaire qui était à l'origine de la condamnation de la France par la CEDH, laquelle ayant estimé
dans son arrêt Tchonkontio Happi que l'absence d'exécution effective de la décision de justice
ordonnant le relogement de la requérante violait l'article  6§1 relatif au droit au recours effectif :
CEDH, 9 avril 2015, Tchokontio Happi contre France, n° 64829/12 ; J. ANDRIANTSIMBAZOVINA,
« L'inexécution d'un jugement définitif qui octroie un logement dans le cadre de la loi DALO est
contraire à l'article 6,1, de la Convention européenne des droits de l'homme », La gazette du palais,
12 septembre 2015, n° 254-255, p. 15 ; N. BERNARD, N. DEREK, « Le DALO, un droit au logement
vraiment « opposable » ? », RTDH, 2016, n° 107, p. 713 ; N. FRICERO, « Attribution effective d'un
logement et procès équitable », Procédures, 2015, n° 6, p.  16 ; M. SAMAKE, P. S.  HANSEN, « Le
contentieux du droit au logement opposable à la suite de la condamnation de la France par la
CEDH », La semaine juridique administrations et collectivités territoriales, 24 avril 2017, n° 16, 2116 ;
D. THARAUD, « Le sort contrasté du droit au logement opposable français devant la Cour
européenne des droits de l'homme », RDSS, 2015, p. 651.
81. V. CE, Avis, 2  juillet  2010, Maache, n° 332825  et CE, 28  mars 2013, n° 341269. Sur cette
question, v.  notamment H. BELRHALI-BERNARD, « L'action en responsabilité : recours de la
dernière chance pour le DALO ? », AJDA, 2011, p. 690.
82. La juridiction administrative considérant que les autres personnes du foyer (et notamment
les enfants) qui subissent également un dommage du fait de l'absence de relogement n'ont pas à être
indemnisées, même si l'évaluation du préjudice doit s'apprécier en tenant compte, notamment, du
nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de
l'État, c'est-à-dire à partir de l'expiration du délai laissé au préfet pour reloger, CE, ord., 13 juillet 2016,
n° 382872 ; L. MARION, « Quel recours en responsabilité de droit commun pour le demandeur
DALO non relogé ? », AJDA, 2016, p. 1998 ; CE, 16 décembre 2016, Gourine, n° 383111. Sur cette
question, v.  aussi  A. BLANDIN, « Le contentieux indemnitaire relatif au DALO continue à
décevoir », AJDA, 2017, p. 954.

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