Bibliothèque de droit public - Tome 317 - Sans domicile fixe et droit - 51

LE DROIT À LA PROTECTION DES SDF

se sont référées pour l'une au fondement initial50, pour l'autre au fondement
rénové dégagé dans la décision n° 2004-503 DC51.
Cette labilité interroge sur ses raisons d'être. On ne peut les expliquer avec
certitude puisque la référence à des fondements différenciés s'est retrouvée à la
fois dans des décisions DC et dans des décisions QPC sans que les commentaires
officiels évoquent l'évolution de ces fondements. Tout au plus, il peut être hypothéqué que cette incertitude des fondements traduit, sinon un malaise, du moins
les hésitations du Conseil constitutionnel qui, naviguant entre prudence et audace,
a dégagé cet objectif constitutionnel en l'absence de texte52.
B. UN DROIT À LA PROTECTION
DES PRESTATIONS VITALES
46. La liste des besoins vitaux des personnes SDF est potentiellement infinie
et ne saurait se réduire aux seules questions liées au logement. Il apparaît ainsi
que les ressources, l'accès à l'alimentation, aux soins ou encore à des prestations
d'hygiène occupent une place particulière dans le rang des besoins de première
nécessité53. Il faut donc rechercher si le droit à ces moyens convenables d'existence, c'est-à-dire à des prestations vitales, est proclamé par les grands textes
internationaux (1) ou reconnu par le droit constitutionnel français (2).
1. Les sources internationales d'un droit à des prestations vitales
47. En matière de revenus. Si les grands traités internationaux garantissant les
droits fondamentaux semblent a priori reconnaître un droit aux ressources54, cette
reconnaissance n'est pas inconditionnelle, mais subordonnée à des raisons ou à
des qualités que les rédacteurs de ces conventions jugent nobles55.
Par exemple, l'article 4 de la Charte sociale européenne révisée s'adresse à
« tous les travailleurs » lorsqu'elle leur accorde notamment le « droit à une
50. CC, 22 janvier 2016, n° 2015-517 QPC, cdt. 5.
51. CC, 5 octobre 2016, n° 2016-581 QPC, cdt. 7.
52. Ce qui est conforté par le choix de recourir à la technique des objectifs de valeur
constitutionnelle dont la portée normative est nécessairement limitée, cf. infra §62.
53. Sur l'identification de ces besoins, cf. aussi supra §35.
54. Le vocable « ressources » étant entendu ici comme synonyme de revenus.
55. Ces limitations, qui font du devoir individuel un adjuvant des droits reconnus, sont classiques
et anciennes (d'après les travaux de Michel Borgetto, « c'est surtout à partir du 17e et du 18e siècle - c'està-dire lorsque commence à s'imposer l'idée qu'à tout individu sont attachées un certain nombre de
prérogatives « inaliénables » et « sacrées » - que la question de l'articulation des droits et des devoirs
émerge véritablement sur la scène philosophique et politique », M. BORGETTO, « L'articulation des
droits et des devoirs dans le champ de la protection sociale », RDSS, 2009, p. 5) et ne se limitent pas au
droit international. Pour des études v., notamment, R. HANICOTTE, Devoirs de l'homme et
constitutions. Contribution à une théorie générale du devoir, L'Harmattan, 2007 ; D. ROMAN, Le droit
public face à la pauvreté, op. cit. ; « Les devoirs sociaux », dossier, RDSS, 2009, n° 1. Cf. aussi infra §181.
Ces restrictions connaissent toutefois des exceptions en particulier à l'égard des enfants. En ce
sens, l'article 27.1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) du 20 novembre 1989
(ratifiée par la France le 7 août 1990) dispose sans contrepartie et/ou sans condition que « les États
parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant » et l'article 27.3 précise cette
obligation : « Les États parties adoptent les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et
dans la mesure de leurs moyens, pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l'enfant à
mettre en œuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d'appui,
notamment en ce qui concerne l'alimentation, le vêtement et le logement ». Pour une étude, v. « CIDE -
Article 27 : droit à un niveau de vie suffisant », Droit de la famille, novembre 2009, Dossier 40.

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