Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 150

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L'IMPARTIALITÉ DE L'ARBITRE

fait éventuellement après une satisfaction des prestations de l'arbitre lors des
nominations précédentes144. Pour pouvoir connaître le nombre et la fréquence des
nominations, il faudrait que l'obligation de révélation ne soit pas cantonnée à une
période trop courte comme cela est le cas dans les lignes directrices de l'IBA qui
prévoient une période de trois ans145. L'approche de la Note de la CCI aux parties
et aux tribunaux arbitraux sur la conduite de l'arbitrage du 1er janvier 2019, qui
ne contient aucune limite temporelle, nous semble dès lors préférable146.
168. Illustrations. Dans des affaires où l'arbitre avait été nommé trentequatre fois147 et cinquante et une fois148 par les sociétés d'un même groupe, il n'a
pas été difficile de reconnaître un « courant d'affaires » entre cet arbitre et les
sociétés de ce groupe.
Dans d'autres affaires, la jurisprudence s'est montrée plus hésitante à sanctionner les nominations à répétition. Dans une affaire ayant débuté en 2010, le
fait pour l'arbitre d'avoir été nommé, par un cabinet d'avocats, dans deux arbitrages achevés en 2006 et 2007 et d'avoir établi, à la demande de ce même cabinet,
deux consultations en 2005 et 2008 n'a pas été jugé suffisant pour « caractériser
l'existence d'un courant d'affaires suffisamment significatif pour être de nature à
affecter l'indépendance d'esprit de l'arbitre »149.
De manière plus contestable, il a été jugé qu'un arbitre n'était pas obligé de
révéler les trois nominations précédentes par les sociétés d'un groupe au motif
144. Bien entendu, le fait qu'une partie soit satisfaite par son arbitre n'est pas en soi une chose
répréhensible, car cette satisfaction peut trouver son origine dans des raisons tout à fait légitimes
comme le déroulement rapide de la première procédure. Ceci dit, l'on peut comprendre que l'autre
partie ait des doutes raisonnables quant à la nature de la relation entre l'arbitre et la partie adverse.
145. V. par ex. le point 3.1.3 : « Au cours des trois dernières années, l'arbitre a été nommé à deux
ou plusieurs reprises par l'une des parties ou par l'une de ses filiales ».
146. § 23 : « L'arbitre ou l'arbitre pressenti a précédemment été nommé en tant qu'arbitre par l'une
des parties ou l'un de ses affiliés, ou par le conseil de l'une des parties ou le cabinet d'avocats de ce conseil ».
147. Cass. 1re civ., 20 oct. 2010, Marcel Batard et autre c. Société Prodim et autre, préc. : « [L]e
caractère systématique de la désignation d'une personne donnée par les sociétés d'un même groupe, sa
fréquence et sa régularité sur une longue période, dans des contrats comparables, ont créé les
conditions d'un courant d'affaires entre cette personne et les sociétés du groupe parties à la procédure
de sorte que l'arbitre était tenu de révéler l'intégralité de cette situation à l'autre partie à l'effet de la
mettre en mesure d'exercer son droit de récusation ». Sur renvoi : CA Reims, 31 janv. 2012, Batard et
autre c. S.A.S. Carrefour Proximité France (anciennement Prodim) et autre, préc. : « Considérant que
les trente désignations et plus de M. C. à l'initiative de la société Prodim ou des sociétés du groupe
Carrefour Promodès démontrent que la douzaine de désignations qu'elles avaient déjà effectuées de
celui-ci en 2001 s'inséraient dans un courant relationnel d'affaires entre elles et M. C. ;
Que l'existence d'un courant d'affaires n'est pas liée à l'importance du revenu perçu par l'arbitre,
mais à la régularité de ce revenu constitué par un grand nombre d'arbitrages, même pour des
honoraires peu importants ».
148. Cass. 1re civ., 20 oct. 2010, Sté Somoclest Bâtiment c. Sté DV Construction, n° 09-68997. Sur
renvoi : CA Reims, 31  janv.  2012, SAS  Somoclest Bâtiment c. SA  DV Construction et autres,
Rev. arb. 2012, p. 209 ; RTD com. 2012, p. 518, obs. E. Loquin ; D. 2012, pan. 3000, obs. Th. Clay :
« Qu'il est constant que M.  L.  a reconnu en 2003 qu'il était déjà intervenu depuis 1994 en qualité
d'arbitre dans une cinquantaine d'affaires impliquant une société du groupe Bouygues, que cette
omission d'informer la société Somoclest sur le caractère répétitif de ses désignations, leur fréquence
et leur régularité sur une longue période ont créé les conditions d'un courant d'affaires entre M. L. et
les sociétés du groupe Bouygues, que cette omission, rapprochée du système de la liste d'arbitres choisi
par la société D. Construction qui a préparé ces clauses, M. L. ne pouvant ignorer que son nom était
pré imprimé dans la clause d'arbitrage, sont de nature à faire raisonnablement douter de l'indépendance
et de l'impartialité de l'arbitre unique ».
149. CA Paris, 23  juin 2015, Établissement public économique CNAN  Group et autre c.
SARL CTI Group Inc. et autres, préc.

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