Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 187

CONCLUSION DU CHAPITRE II

213.  Un auteur anglais a écrit, dans un style imagé, que « the man in the moon
is seldom available and, even if he comes down to Earth, he probably knows no arbitration law »1. En termes plus juridiques, nous pouvons constater qu'il est très fréquent que l'arbitre soit lié, d'une manière quelconque, à l'une des personnes intéressées par l'issue du litige. Certes, il y a des moyens pour diminuer la fréquence des
conflits d'intérêts2, mais ceux-ci ne peuvent pas être totalement éliminés. Bien
entendu, la meilleure garantie de l'impartialité de l'arbitre est sa volonté de résister
aux tentations de partialité auxquelles donnent naissance ses différents liens.
En parcourant les éléments de droit positif sur le droit des conflits d'intérêts
de l'arbitre, nous avons remarqué le manque de maturité de ce droit.  Souvent
dépourvus de directives claires concernant les conflits d'intérêts, les organes
d'évaluation de l'impartialité semblent les traiter de manière plutôt intuitive, ce
qui peut déboucher sur de l'insécurité juridique, voire de l'arbitraire.
À la suite de ce constat, nous nous sommes donné pour mission l'élaboration
de directives pour l'évaluation des liens de l'arbitre en puisant dans la jurisprudence de plus en plus volumineuse. Le raisonnement à suivre pour évaluer les liens
de l'arbitre se subdivise en trois phases et consiste à répondre à trois questions.
Tout d'abord, il convient de savoir si la personne à laquelle l'arbitre est liée fait
partie des personnes intéressées par l'issue du litige. Si tel est le cas, il conviendra
d'avoir recours aux critères d'évaluation du lien. Nous en avons dégagé six : le critère d'intensité, le critère de spécificité, le critère temporel, le critère de la fiabilité
du lien, le critère de l'équilibre du lien et le critère du rapport du lien avec le litige.
Enfin, la dernière étape d'évaluation des liens d'arbitre, supposant que la
mise en œuvre des critères susmentionnés ait confirmé l'existence d'un risque
significatif de partialité, consiste à vérifier s'il ne faudrait pas tolérer ce risque de
partialité pour les différentes considérations ayant vocation à influencer la mise
en œuvre de l'exigence d'impartialité (efficacité de l'arbitrage, qualité de l'arbitrage, droit des parties de nommer les arbitres).
Une autre manière, plus catégorique, pour éviter de remettre en cause trop
fréquemment l'impartialité des arbitres du fait de leurs liens serait de se montrer
moins stricts à l'égard des liens des coarbitres3.
1. N. Andrews, Andrews on Civil Processes, Vol. 2 : Arbitration & Mediation, op. cit., n° 4.35,
p. 124. Plus loin, cet auteur écrit : « [H]ardly anyone begins arbitrating from a position of "professional
virginity", Instead, arbitrators emerge from the real world, and not from monasteries » (n° 4.36, p. 124).
2. Par exemple, pour fuir ces conflits d'intérêts (très fréquents dans le cadre des grands cabinets
d'avocats), les associés de ces grands cabinets sont de plus en plus nombreux à préférer quitter leur
structure pour constituer ce que les praticiens de l'arbitrage appellent « des boutiques d'arbitrage ».
Sur cette tendance, V. Th.  Clay, « Le marché de l'arbitrage », préc., p.  26 ; F.-X. Train, « Mode
d'exercice de l'activité d'arbitre et conflits d'intérêts ? », préc., p. 730-731.
3. Sur le degré d'impartialité du coarbitre et l'évaluation de son impartialité, V. Deuxième Partie,
Chapitre I.

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