Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 226

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L'IMPARTIALITÉ DE L'ARBITRE

cause, cela signifie que sa base de raisonnement sera différente et qu'a priori, il
aura plus de difficultés à reconduire automatiquement l'opinion exprimée la fois
précédente. Il convient de souligner que, dans cette hypothèse, il y a moins de
risques que l'arbitre se sente obligé de reproduire son opinion précédente, car il ne
sera pas possible de lui reprocher de s'être trompé puisque les sources de son raisonnement seront différentes et, en tout cas, aucune erreur ne lui est
reprochée162.
Il y a même intérêt, du point de vue de l'efficacité et de la qualité de la justice,
à ce que ce juge connaisse de nouveau de la même question pour qu'il puisse profiter de sa connaissance du dossier et vérifier ensuite si les nouveaux éléments
sont de nature à modifier son opinion précédente163.
La jurisprudence fait parfois référence à ce paramètre. Ainsi, pour minimiser
la dangerosité des opinions préalables, certaines décisions ont mentionné le fait
que les opinions en cause n'avaient pas pris en compte les décisions et écrits
publiés depuis la formulation de ces opinions (doctrinales)164.
c) Collégialité du tribunal dans l'instance actuelle
269. Un facteur de remise en cause de l'opinion préalable. Une opinion (erronée) a plus de chances d'être modifiée lorsqu'elle est confrontée à d'autres opinions165. C'est pour cela que certaines décisions, pour nuancer le danger potentiel
de l'opinion préalable, tiennent à souligner le fait que le tribunal dans lequel siège
actuellement l'arbitre ayant exprimé une opinion préalable est collégial166. Cela
162. En ce sens, V. B. Gessel-Kalinowska Vel Kalisz, « UNCITRAL Model Law :
Composition of the Arbitration Tribunal Re-considering the Case upon Setting Aside of the Original
Arbitration Award », Journal of International Arbitration 2017, p. 17, spéc. p. 30.
163. En droit judiciaire privé, plusieurs voies de recours particulières, comme l'opposition au
jugement par défaut (art. 572 CPC), s'exercent devant le même juge.
164. Prés. de la CIJ (autorité de nomination), 30 sept. 2013, CC/Devas (Mauritius) Ltd., Devas
Employees Mauritius Private Limited and Telecom Devas Mauritius Limited v. India, préc., § 66 : « Mr.
Lalonde's more limited pronouncements on the relevant text are not sufficient to give rise to justifiable
doubts regarding his impartiality. Mr Lalonde has not taken a position on the legal concept in issue
subsequent to the decisions of the three annulment committees ». En revanche, l'arbitre, qui a pris
connaissance des sources de réflexions subséquentes critiquant son opinion préalable et qui a malgré
cela maintenu cette opinion, ne mérite pas la même mansuétude : « The later article in particular
suggests that, despite having reviewed the analyses of three different annulment committees, his view
remained unchanged. Would a reasonable observer believe that the Respondent has a chance to convince
him to change his mind on the same legal concept ? Professor Orrego Vicuna is certainly entitled to his
views, including to his academic freedom. But equally the Respondent is entitled to have its arguments
heard and ruled upon arbitrators with an open mind. Here, the right of the latter has to prevail » (§ 64).
V. aussi CIRDI (membres du TA non récusés), 12 août 2010, Urbaser S.A. and Consorcio de
Aguas Bilbao Bizkaia, Bilbao Biskaia Ur Partzuergoa v. Argentine Republic, préc., § 57 : « The Two
Members further observe that Prof. McLachlan's scholarly works are far from providing a complete
picture of the potential role of how MFN clauses relate to dispute settlement clauses, by virtue of the
mere fact that they do not consider all or most decisions rendered in this respect and the many academic
and other contributions published in recent years ».
165. Rappr. Trib. féd. suisse, 13 nov. 2013, Club X. SA c. Z., n° 4A_282/2013, TF 2013, cons. 4 :
« [L]e système d'un tribunal arbitral composé de trois membres, s'il est certes plus coûteux que la solution
du recours à un arbitre unique, comporte, en revanche, d'indéniables avantages par rapport à celle-ci : il
permet qu'une opinion se forge quant aux thèses en présence sur une base plus large que si le sort du
litige est abandonné à la sagacité d'une seule personne, ce qui devrait, en principe, diminuer les risques
d'erreur ». Les risques d'erreur nous semblent englober la reproduction d'opinions préalables erronées.
166. Rappr. CIRDI (Prés. du Cons. adm.), 12 nov. 2009, Participaciones Inversiones Portuarias
(PIP) Sàrl c. République gabonaise, n° ARB/08/17, ICSID Review 2008, p. 418, § 33 : « La question de

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