Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 242

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L'IMPARTIALITÉ DE L'ARBITRE

A priori, les exigences de l'impartialité s'opposent à ce qu'un juge ait à connaître
du recours contre la décision qu'il a rendue229. En effet, le but de l'ouverture d'une
voie de recours est de permettre de porter un regard critique sur la décision pouvant
appréhender librement les griefs qui lui sont adressés230. Or, on ne peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un juge ait un regard critique sur son propre travail231.
C. L'OPINION PRÉALABLE EXPRIMÉE DANS LE CADRE
D'UNE PROCÉDURE PARALLÈLE
289. Les procédures parallèles, une pathologie de l'arbitrage. Dans le cadre
des développements suivants, l'expression « procédures parallèles » désignera des
procédures arbitrales distinctes juridiquement (quoique liées substantiellement)
que l'intérêt de la justice commanderait de traiter ensemble232. La seule existence
des procédures parallèles nuit à la bonne administration de la justice puisqu'elles
sont susceptibles de donner lieu à des décisions contradictoires. Autrement dit,
elles devraient - dans la mesure du possible - être combattues afin de diminuer
leurs conséquences néfastes233.
229. V. par ex. Cass. 2e civ., 5 mai 1993, préc. : « Attendu que le juge des tutelles ne peut faire partie
de la formation du tribunal de grande instance qui connaît du recours exercé contre la décision qu'il a
rendue ». V. aussi Cass. 2e civ., 10 sept. 2009, n° 08-14004 et CE, 14 janv. 1998, n° 184735 qui mentionne
les « règles générales de procédure qui s'opposent notamment à ce qu'un membre d'une juridiction
administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur ».
230. Autrement dit, l'existence d'un recours vise principalement la réalisation de la justice, car si
c'est l'efficacité qui comptait en premier lieu, il n'y aurait pas eu de recours possible puisque l'existence
de celui-ci est de nature à retarder l'achèvement du procès.
231. Il a été jugé que celui qui avait déjà connu, comme arbitre au premier degré, le complexe de
fait et de droit qui constituait l'affaire, même entre des parties différentes, ne pouvait pas avoir
l'impartialité nécessaire pour accomplir sa mission d'arbitre de second degré conformément à l'attente
légitime des parties (TGI Paris, 29 juin 1989, Société Philipp Brothers c. société Drexel et autres, préc. ;
solution approuvée par C. Reymond, « Des connaissances personnelles de l'arbitre à son information
privilégiée : Réflexion sur quelques arrêts récents », préc., p. 14). Toutefois, il y a des cas très
exceptionnels où le juge pourrait connaître du recours contre sa décision. C'est notamment le cas dans
les grandes formations de jugement où la présence d'un juge ayant exprimé une opinion préalable est
beaucoup moins gênante, car ses effets nocifs seront dilués du fait de la présence d'un grand nombre
de juges. La CEDH, qui permet à certains juges de connaître de la même affaire deux fois, en est la
meilleure preuve comme l'a relevé un arrêt de la CJUE : CJCE (GC), 1er juill. 2008, Chronopost et La
Poste c. UFEX et alii, préc., § 59 : « [...] en vertu de l'article 27, paragraphe 3, de la CEDH, quand une
affaire est déférée devant la grande chambre de la Cour des droits de l'homme, sur renvoi contre un
arrêt d'une chambre, aucun juge de la chambre qui a rendu l'arrêt ne peut siéger dans la grande
chambre, à l'exception du président de la chambre et du juge ayant siégé au titre de l'État partie
intéressé. La CEDH admet ainsi que des juges ayant eu à connaître une première fois de l'affaire
siègent dans une autre formation ayant à connaître de nouveau de la même affaire et que cette
circonstance n'apparaît pas comme étant en soi incompatible avec les exigences du procès équitable ».
Mais cette règle est critiquée par la doctrine. V. par ex. C. Popescu, « La Cour européenne des
droits de l'homme », in H. Ruiz Fabri et J.-M. Sorel (dir.), Indépendance et impartialité des juges
internationaux, Pedone, 2010, p. 39, p. 128 et s.
232. La multiplication des procédures parallèles en arbitrage et les nombreuses difficultés
qu'elles posent ont suscité un intérêt accru chez la doctrine récente. V. entre autres, B. Darmois et
E. Glucksmann, Procédures parallèles et décisions contradictoires, Bruylant, 2015 ; K. Hobér, Res
Judicata and Lis Pendens in International Arbitration, Brill/Martinus Nijhoff, 2014 ; C. Debourg, Les
contrariétés de décisions dans l'arbitrage international, LGDJ, 2012 ; C. McLachlan, « Lis Pendens »
in International Litigation, Martinus Nijhoff, 2009 ; D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures
conduites en parallèle, Thèse de doctorat, Aix-Marseille III, 2008 ; P. Mayer, « Litispendance,
connexité et chose jugée dans l'arbitrage international », préc.
233. La justice étatique connaît le phénomène des procédures parallèles, mais il nous semble
qu'il est beaucoup plus répandu dans l'arbitrage, notamment du fait que ce dernier ne dispose pas

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