Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 257

L'impartialité de l'arbitre évaluée à partir de ses opinions préalables

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question abstraite288, surtout si l'opinion abstraite est suffisamment claire et tranchée et laisse peu de doutes sur la solution concrète du litige289.
Par ailleurs, il nous semble excessif de considérer qu'une opinion doctrinale
réfléchie et motivée ne devrait pas être prise en compte dans l'évaluation de l'impartialité d'un arbitre au motif qu'elle ne prend pas en considération les faits du
litige. Certes, l'interprétation d'une norme à la lumière des faits permet d'approfondir la réflexion (et donc d'affiner l'interprétation de la norme), mais il ne faut
pas non plus attendre que l'inclusion de ces faits dans le raisonnement bouleverse,
de manière systématique, l'interprétation abstraite de la norme.
2. Le rôle minime du droit, par rapport aux faits, dans la détermination
de la solution du litige
307. Exposé de l'argument. Pour refuser de voir dans l'opinion préalable
(qu'elle soit doctrinale ou juridictionnelle) un risque de partialité, un autre argument - qui rejoint en partie l'argument précédent - consiste à insister sur le rôle
minime du droit dans la détermination de la solution du litige par rapport au rôle
décisif et majeur des faits de sorte que le seul fait d'avoir une position établie sur
une question juridique ne rendrait pas une solution particulière inéluctable290.
Cela va dans le sens de l'affirmation du juge Holmes : « [G]eneral propositions do
not decide concrete cases »291. On retrouve la même idée dans la jurisprudence relative à l'arbitrage : « [L]e jugement antérieur de la même question de droit ne peut
constituer un préjugé dans la mesure où les engagements sont distincts et les parties différentes »292.
288. Rappr. CIRDI (membres du TA non récusés), 12 août 2010, Urbaser S.A. and Consorcio de
Aguas Bilbao Bizkaia, Bilbao Biskaia Ur Partzuergoa v. Argentine Republic, préc., § 52 : « [T]he Two
Members are not convinced that distinctions like the one based on the notion of "general opinion" as it is
used to define the attitudes to be put on the "green list" according to the IBA Guidelines make much sense.
Such a distinction between "general" and "specific" views is of little value when it comes to characterizing
academic work. The hypothesis of research done by a scholar on a merely "general" level is a description
more caricatured than that of actual academic work. As well, it is not much more convincing to draw a
strict dividing line between opinions expressed as a scholar and those to be formed as an arbitrator. While
it is correct to say that a scholar's opinion might change and is unrelated to the pattern of facts and
arguments related to a particular case, Claimants are right to the extent that they argue that such opinion
may nevertheless be a factor of influence when it comes to considering the same or similar issues in a
particular dispute ».
289. G. Griffith et D. Kalderimis, « "Pure" Issue Conflicts in Investment Treaty Arbitration »,
préc., p. 618 : « [O]ne can readily conceive that such an impression could be conveyed even by a general
opinion, if the expression of that opinion is sufficiently trenchant so as to suggest that an arbitrator is
likely to close their mind to the facts, or to how the law properly applies to the facts ».
290. En ce sens, V. F. Mantilla-Serrano, « L'indépendance d'esprit de l'arbitre (ou l'issue
conflict) », préc., p. 452 : « Lorsque l'opinion porte sur un sujet juridique, constitue une prise de
position doctrinale, elle est par définition générale, déconnectée de toute application, et elle ne saurait
faire craindre la partialité de l'arbitre ».
291. US Supreme Court, 17 avr. 1906, Lochner v. New York, n° 292.
292. CA Paris, 14 oct. 1993, Ben Nasser et autre c. BNP et Crédit Lyonnais, préc.
V. également CIRDI (membres du TA non récusés), 21 mars 2007, Saipem S.p.A. v. People's
Republic of Bangladesh, préc. (décision non publiée mais rapportée chez N. G. Ziadé, « How Many
Hats Can a Player Wear : Arbitrator, Counsel and Expert ? », ICSID review 2009, p. 49, spéc. p. 51) :
« [I]t is well established by national case law on the removal of arbitrators as well as in the practice of
arbitration institutions that an arbitrator's doctrinal opinions expressed in the abstract without reference
to any particular case do not affect that arbitrator's impartiality and independence, even though the issue
on which the opinion is expressed may arise in the arbitration. It is not because a scholar has expressed
general and abstract opinion that he or she will not consider the specificities of a given case and may not
on such basis, form an opinion different from the one previously expressed » (nous soulignons).

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