Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 373

La renonciation à se prévaloir du risque de partialité

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S'il est évident que la récusation242, accomplie dans les conditions requises
par les règles applicables243, remplit les exigences d'une protestation en bonne et
due forme, des doutes subsistent quant aux protestations moins frontales et plus
allusives. C'est notamment le cas des réserves émises quant aux liens de l'arbitre
avec une personne intéressée par l'issue du litige ou d'une critique d'une décision
procédurale en la qualifiant d'injuste en ce qu'elle favorise excessivement une partie. Il se peut aussi qu'après avoir exprimé son mécontentement, la partie signale
qu'elle se réserve le droit de se prévaloir de la circonstance critiquée plus tard. Y
a-t-il dans ces différentes hypothèses renonciation ou non ?
451. De lege lata : l'exigence d'une demande de récusation. Pour caractériser
la renonciation, une décision française reproche à la partie se plaignant du risque
de partialité de n'avoir émis aucune « réserve », au cours de la procédure arbitrale,
quant à l'impartialité de l'arbitre en cause244. Faut-il en déduire qu'une simple
réserve aurait été suffisante pour empêcher le jeu de la renonciation ?
La réponse semble négative à la lecture de trois décisions récentes qui suivent
une ligne plus stricte et semblent exiger que la protestation prenne la forme d'une
demande de récusation245.
Dans une affaire tranchée par la Cour d'appel de Paris le 21 mars 2017, les
conseils d'une partie ont affirmé, après avoir pris connaissance du risque de partialité, que leur client n'a « pas d'objection à cet instant ». Formant un recours en
annulation contre la sentence, la mise en cause de l'impartialité fut rejetée, car ce
client « était en possession de tous les éléments d'appréciation de la situation à
une date où le délai de récusation n'étant pas expiré il pouvait utilement contester
la composition du tribunal arbitral ». L'attendu - qui est, d'ailleurs, largement
repris de l'arrêt Tecnimont246 - est catégorique : « [L]a partie qui, en connaissance
de cause et sans motif légitime, s'abstient d'exercer, dans le délai prévu par le
règlement d'arbitrage applicable, son droit de récusation [...] est réputée avoir
renoncé à s'en prévaloir devant le juge de l'annulation »247.
242. Le terme de récusation - employé ici lato sensu - vise toutes les hypothèses dans lesquelles
une partie demande expressément qu'une personne donnée ne puisse trancher son litige pour des
raisons liées à son indépendance ou son impartialité (V. aussi B. Moreau, « La récusation des arbitres
de la jurisprudence récente », Rev. arb. 1975, p. 223, spéc. p. 224 pour qui la récusation « est l'expression
par une partie, selon la procédure prévue à cet effet, du refus pour un motif légitime de voir un
magistrat composer le tribunal appelé à statuer sur son affaire »). En effet, la récusation ne peut avoir
lieu stricto sensu que lorsque l'arbitre a accepté sa mission. Par conséquent, lorsque l'impartialité d'un
arbitre pressenti est contestée, la partie ne « récuse » pas cette personne, mais s'oppose à sa nomination
en tant qu'arbitre (En ce sens, V. J.-B. Racine, Droit de l'arbitrage, op. cit., § 509).
243. Il est à noter que la demande de récusation (en matière d'arbitrage) obéit généralement à
peu de formalités. Par exemple, le règlement CCI (art. 14) se contente d'exiger que cette demande soit
introduite par la soumission au Secrétariat d'une déclaration écrite précisant les faits et circonstances
sur lesquels cette demande est fondée.
244. CA Paris, 15 sept. 2015, Société Monte Carlo Aviation Corporation c. SA Dassault Aviation,
préc. ; CA Paris, 18 mars 2014, Exponens, préc.
245. Cela semble être également le cas de la CCI. En ce sens, V. J. Fry, S. Greenberg et F. Mazza,
The Secretariat's Guide to ICC Arbitration : A Practical Commentary on the 2012 ICC Rules of
Arbitration from the Secretariat of the ICC International Court of Arbitration, op. cit., p. 172 : « The
challenging party needs to make it clear that it is submitting a challenge. Occasionally, a party files a
complaint about an arbitrator without indicating that it is in fact a challenge. The Secretariat may
request the part to clarify the matter in writing ».
246. Cass. 1re civ., 25 juin 2014, Sté Tecnimont SPA c. Sté J&P Avax, préc.
247. CA Paris, 21 mars 2017, Ministère yéménite du Pétrole et des minerais c. Sté Alkor Petroo
Ltd, préc.

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